Centarfrique : « Elections 2020 »: absence de dialogue politique avec toutes les forces vives de la nation et encore un Gap financier de près de 5 768 367 dollars USA….

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La République centrafricaine reste un Etat fragile du point de vue politique, sécuritaire, économique, social et institutionnel. Après des décennies de conflit politico-armé, le retour à l’ordre constitutionnel en 2016, fut un pas important pour le pays. Les élections présidentielle, législatives et locales de 2020/2021, offrent à la République et au peuple centrafricain, l’opportunité de franchir une étape décisive dans leur quête collective d’une paix durable et de stabilité politique sans lesquelles, aucune démocratie n’est viable.

Ces élections sont tout autant nécessaires et essentielles pour un retour définitif à l’ordre constitutionnel et au jeu démocratique qui impliquent le respect de la durée et du nombre de mandats des élus d’une part, ainsi que l’exercice par le peuple souverain de son pouvoir d’appréciation de la performance de ses gouvernants et de son droit d’élire ses représentants d’autre part.  C’est là tout le sens de la maturation d’une culture démocratique attendue du processus électoral en RCA qui doit être crédible et pacifique, pour générer un impact sur la consolidation de la paix et accroitre des opportunités d’investissement économique et de partage des dividendes de la paix.  La Centrafrique doit sortir plus que jamais réconciliée de ce processus électoral et dans l’espoir d’un futur plus reluisant partagé par tous ses fils et filles.

Les prochaines élections interviennent dans un contexte de mise en œuvre de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation, signé le 6 février 2019. Le processus politique pour les élections se superposent ainsi au processus de paix qui en est une charpente fondamentale à préserver par les 15 parties signataires ainsi que les partis politiques et toutes les composantes de la société centrafricaine. L’enjeu véritable est de concilier les deux processus politique et de paix qui doivent se renforcer mutuellement, pour créer un environnement propice à la tenue d’élections inclusives, libres, régulières, transparentes, crédibles et pacifiques dans le respect des délais constitutionnels.

Dans son paragraphe 10, la résolution 2499 du Conseil de Sécurité des Nations Unies « exhorte les autorités de la République Centrafricaine et toutes les parties prenantes nationales,à préparer les élections présidentielle, législatives et locale de 2020/2021 en veillant à ce qu’elles soient inclusives, libres, régulières, transparentes, crédibles et pacifiques, et se tiennent dans les délais fixés dans le respect de la constitution ». C’est cette même résolution qui investit la MINUSCA d’un mandat d’ « aider les autorités de la République centrafricaine à préparer et à organiser des élections présidentielle, législatives et locales pacifiques en 2020 et 2021 en leur offrant ses bons offices, en leur fournissant un appui en matière de sécurité et un soutien opérationnel, logistique et, le cas échéant, technique, en particulier de manière à faciliter l’accès aux zones reculées, et en coordonnant l’assistance électorale internationale.  Fort de ce mandat, la MINUSCA a pu accompagner toutes les parties prenantes dans l’adoption d’un code électoral consensuel en 2019.

A quelque trois mois des élections, le dialogue est de vigueur au sein des institutions établies à cet effet notamment, l’Assemblée Nationale qui vient d’adopter un réaménagement technique du code électoral. La décision de principe de la Cour Constitutionnelle du 05juin 2020 rejetant l’introduction du cas de force majeure dans la constitution, rappelant l’impératif du respect des délais constitutionnels et proscrivant toute idée de transition politique, revigore l’Etat de droit et confirme plus que jamais, l’autorité légitime du Juge des élections. La MINUSCA et les partenaires internationaux n’ont de cesse d’encourager le dialogue politique pour une gestion consensuelle du processus électoral. Ce dialogue, qui se poursuit en dehors des institutions constitutionnelles y compris dans le Cadre de concertation regroupant tous les acteurs et le Comité stratégique composé des membres du Gouvernement, de l’Autorité Nationale des Elections (ANE), des partis politiques, de la société civile, des institutions constitutionnelles et des partenaires internationaux, reste la voie pacifique de gestion des controverses et divergences de vues. Les Nations Unies comme les partenaires internationaux y fondent un espoir surtout avec l’ouverture exprimée par le Président à son opposition ainsi qu’aux anciens chefs d’Etat, qui ont pu et continuent de dialoguer sur les préoccupations essentielles relevées dans le processus électoral.

Toutefois, il faudra plus pour que le dialogue puisse renforcer la confiance et anéantir tout climat de méfiance entre les acteurs. L’opérationnalisation de la nouvelle loi sur l’ANE par la nomination et la prise de fonction des 11 nouveaux commissaires ainsi que la capacité de l’ANE à parachever l’enrôlement des électeurs est plus que jamais requis, pour restaurer plus que jamais, la confiance et engager résolument les dernières phases du processus avant le scrutin du 27 décembre 2020. Cette échéance ne sera à portée de main, qu’à condition que l’ANE assume effectivement la plénitude de ses fonctions dans les délais impartis de la loi. Pour ce faire, les capacités de l’ANE doivent être bien réévaluées afin d’y apporter les ajustements requis pour rester dans la limite du calendrier. Tout glissement d’un calendrier ouvrira une porte à la suspicion tout en exposant le processus aux risques ou menaces imprévisibles.

Malgré les difficultés d’ordre institutionnel, sécuritaire et opérationnel ainsi que l’impact et le contexte de COVID-19, l’on peut tout de même se réjouir du lancement des opérations d’enrôlement le 30 juin qui tend pratiquement vers la fin avec Bangui et 14 préfectures ayant clôturé les opérations et 1.768.614Centrafricains centralisés dans la base de données. Ce chiffre ne prend pas en compte les données des centres d’inscription de la diaspora et des deux préfectures restantes dans l’Ouest du pays. Quoique des données brutes, il s’agit d’un chiffre encourageant sur une population de 5 millions d’habitants au plus. Les Centrafricains peuvent être heureux d’avoir un corps électoral sur la base duquel, ils peuvent aller aux urnes.

Il est vrai que la gestion des prochaines étapes (publication de la liste provisoire, gestion des contentieux, finalisation de la liste, convocation du corps électoral, candidature, campagne électorale et scrutins), reste un défi majeur au regard des contraintes de délais légaux et constitutionnels. Et le processus ayant conduit à l’adoption du projet de loi modificative du code électoral, révèle encore une fois, l’impérieuse nécessité de dialogue structuré entre les différents acteurs du processus électoral, dans la recherche des solutions consensuelles sur la problématique des candidatures, afin d’éviter que les enjeux politiques liés aux candidatures, ne paralysent la gestion technique et opérationnelle des opérations électorales.

Il convient de saluer le fonctionnement harmonieux des institutions dans le cadre de la préparation des élections (Cour constitutionnelle, Cadre de Concertation, Comité stratégique d’appui au processus électoral etc.) ainsi que le dialogue engagé par le Président Touadéra avec les dirigeants de l’opposition, les anciens chefs d’État, les forces vives de la Nation (partis politiques, société civile, syndicats, chefs religieux, organisation des femmes et des jeunes). Ces espaces de dialogue, méritent d’être renforcés autour des opérations électorales.

Au-delà des élections combinées du 27 décembre, il est fondamental que les Centrafricains préparent les élections locales, pour relancer le processus de la décentralisation, suspendue depuis 1988. La tenue des élections locales, répondra aux attentes de la population et de tous les acteurs locaux, en termes de démocratie à la base, la gouvernance locale et le développement local, exprimées à travers le dialogue politique, ayant abouti à la signature le 6 février 2019, de l’Accord de paix sous l’égide de l’Initiative africaine.

Le peuple centrafricain saura faire montre de son génie pour ne pas s’offrir encore le luxe d’une nouvelle transition politique aux lendemains incertains. Il doit saisir cette opportunité pour consolider la démocratie et la stabilité politique et institutionnelle de la RCA. C’est pourquoi le 27 décembre 2020 (1er tour des élections) et le 30 mars 2021 (investiture du nouveau Président élu), constituent désormais deux rendez-vous attachés au destin de la République centrafricaine, qu’il faut absolument respecter.

La communauté internationale s’est mobilisée et apporte des soutiens multiformes en vue de l’organisation et la tenue d’élections pacifiques, crédibles, transparentes et inclusives. Les résultats qualitatifs par l’ANE dans la réalisation de la cartographie électorale, la mise en place des démembrements et l’enrôlement des électeurs, ont bénéficié de l’accompagnement politique, technique, opérationnel, sécuritaire et logistique des partenaires internationaux. Il s’agit principalement des Nations Unies (MINUSCA et PNUD), l’Union Européenne, l’Union Africaine, la CEEAC, la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, les Etats-Unis et le Japon. Malgré cette mobilisation, le financement complet tout au moins des élections présidentielle et législatives, révèle un Gap financier de près de 5 768 367 dollars USA. La bienveillance des pays et organisations amis de la RCA est encore sollicitée pour assurer l’effectivité des prochaines élections qui sont déterminantes pour la consolidation de la paix et la stabilité politique et institutionnelle de la République Centrafricaine.

  • M. Arsène GBAGUIDI, Directeur de la Division Electorale de la MINUSCA depuis mars 2020, apporte plus de 20 ans d’expérience en gouvernance politique et dans les affaires électorales, en République centrafricaine (RCA), Guinée, République Démocratique du Congo (RDC) et dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. De 2015 à 2019, il a travaillé comme Conseiller Politique Principal au sein de la Division des Affaires Politiques de la MINUSCA. Plus tôt dans sa carrière, il a été Directeur Résident et Directeur des Programmes de l’Institut National Démocratique (NDI) en Guinée et en RCA sur des programmes d’appui aux élections, à la participation des femmes, au renforcement des partis politiques, des commissions électorales, des organisations de la société civile pour l’observation des élections, et des parlements. Arsène Gbaguidi a également travaillé au sein de la Division de l’Assistance électorale de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) en RDC, et a aussi coordonné le Programme PRODECOM de l’Union Européenne sur la décentralisation et la gouvernance politique locale au Bénin.

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