Beckergate : M. Mapenzi, mettez en place une commission d’enquête parlementaire !

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L’affaire Boris Becker ou la déchéance morale du régime de Bangui !

Empêtré dans des affaires, l’ancien champion de tennis allemand, Boris Becker, se prévaut de son immunité diplomatique centrafricaine pour échapper à la justice.

Malgré le rétropédalage éhonté et les dénégations des autorités de Bangui, Boris Becker persiste et signe : « j’ai été nommé par son Excellence le président Touadéra comme attaché pour le sport, la culture et les affaires humanitaires ».

Face à la tempête médiatique, dont cette affaire est le centre, nous sommes plutôt tentés de croire la version de l’ancien champion allemand que les pseudo-démentis des responsables centrafricains. D’autant que l’un des protagonistes de l’affaire, l’ambassadeur de la République centrafricaine auprès du Royaume de Belgique, Daniel Emery Dédé l’a lui-même confirmé : « Boris Becker a été recruté à ses frais pour être un mobilisant pour les moyens sportifs, des équipements sociaux et tout ce qui est du domaine humanitaire ».

En réalité, l’affaire Boris Becker est la parfaite illustration de la déchéance morale du régime de Bangui.

D’abord, parce que le retentissement et le tollé médiatique que suscite cette affaire, mettent en lumière une chose : nous avons affaire à un régime de confusion dans lequel tous les travers son permis. Pis, c’est la preuve, si besoin en était encore, d’une absence de leadership éclairé du chef de l’État. Et comme l’a si justement écrit mon ami et frère, Crépin Mboli-Goumba dans son récent ouvrage en page 286, le président « Touadéra n’est pas son propre homme. Il ne s’appartient pas. C’est un homme soumis aux autres, habité d’idées contradictoires ». C’est pourquoi, malheureusement, à la moindre contrariété, le président Touadéra recule.

Sinon, il n’aurait pas eu autant de peine à assumer ses fréquentations et ses options stratégiques. D’autant que Boris Becker qui l’avait rencontré à deux reprises — pas seulement pour déguster la bonne bière allemande en sa compagnie mais on imagine pour parler des choses sérieuses — lui a été présenté par des individus qui ont un mandat signé de ses propres mains. C’était donc plus cohérent d’assumer que de nier. Et pour reprendre la célèbre expression de Jacques Chirac, cette affaire aurait fait pshiit. Surtout que les faits qui sont reprochés à l’ancien champion de tennis ne relèvent pas de crimes de sang et que, même les pays comme la Grèce ou l’Argentine se sont retrouvés en situation de faillite, à plus forte raison un individu, virtuose de tennis ou non.

D’ailleurs, inutile de rappeler que les questions de nomination ou de révocation, de la délivrance ou non d’un passeport diplomatique qui demeure la propriété de l’État centrafricain, relèvent de la souveraineté nationale. Et là-dessus, nous n’avons aucune justification à fournir à un monarque ou un autre souverain, fût-il journaliste étranger.

Mais en décidant de se dédire, le président centrafricain et ses hommes ont rabaissé la parole présidentielle et diminué ainsi nos Institutions. Ce qui vient confirmer l’impression détestable, par ailleurs amplifiée par les mauvaises langues de Bangui que Faustin Archange Touadéra ne serait, finalement, qu’un personnage duplicité, incapable de tenir le plus petit de ses engagements. Ce qui n’est nullement convenable, il faut le dire, pour un chef de l’État.

Ensuite, ce curieux déroulement tragi-comique est la conséquence logique de l’absence de coordination de l’action gouvernementale et de l’instauration d’une diplomatie parallèle aux effets néfastes.

Comment peut-on admettre et tolérer dans un pays au fonctionnement normal, qu’un ambassadeur, qui est astreint à un devoir de réserve puisse s’exprimer sur une chaine étrangère sans en référer à son ministre de tutelle et attendre, par-dessus le marché, de la part de ce dernier une couverture. Comment, également, concevoir que dans ce dossier les autorités de notre pays ne s’expriment pas d’une seule et même voix ?

Car sur une petite affaire comme celle de Boris Becker nous avons eu droit à pas moins de quatre sons de cloche aussi différents que contradictoires de la part de nos autorités : entre l’ambassadeur en Belgique qui confirme que l’ancien champion allemand est bel et bien détenteur d’un passeport diplomatique centrafricain, son ministre de tutelle qui dément catégoriquement avoir signé un tel document officiel au bénéfice de l’intéressé et le porte-parole de la présidence qui aurait mieux fait de se taire, il y a eu de quoi à perdre son latin.

Or, la cohérence et la compétence auraient commandé de laisser s’exprimer le seul ministre porte-parole du gouvernement pour réaffirmer la position qu’auraient eu tous les États qui se respectent : à savoir pas d’explication à donner à quiconque sur une question relevant de la souveraineté. Celui-ci aurait tout simplement dit, circulez, il n’y a rien à voir.

Enfin, comment ne pas s’interroger sur cette pratique qui consiste à délivrer de vrais-faux documents officiels ? Où Boris Becker a-t-il trouvé son passeport diplomatique, présenté par le ministère des Affaires étrangères comme un faux grossier ?

Même si personne n’ose l’avouer, sur cette filière de délivrance de faux documents officiels, tous les regards sont tournés vers le Palais de la Renaissance. Voilà où se situe la question d’éthique et de morale. Pas la nomination de Boris Becker, encore moins le fait qu’il ait pu brandir son immunité diplomatique pour échapper à la justice.

C’est pourquoi, à défaut de l’ouverture d’une enquête judiciaire, l’Assemblée nationale se doit de mettre en place une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière, toute la lumière, sur cette affaire.

Adrien Poussou

Source : L’ÉDITO DE BANGUI FM (96.9) DU 25.06.18

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