Bangui, les rumeurs de coup d’Etat font craindre civils et même porteurs de tenue

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Bangui, les rumeurs de coup d’Etat font craindre civils et même porteurs de tenue

15 OCTOBRE 2021 ANTI INFOX RCA
Par Elvis Mattador

Une menace sécuritaire réelle pèse depuis quelques jours sur le ciel de Bangui, au point que civils et porteurs de tenue ne savent plus à quel saint se vouer. Tout ceci, face à l’absence de communication officielle du gouvernement. Mais, jusqu’où iront ces rumeurs ?

L’on se souvient encore qu’en décembre 2020, sous la plume du journaliste Antoine Rolland, le journal français «Libération» avait déclaré ce qui suit : «Bangui est une ville de rumeurs. Souvent fausses, elles disent quelque chose du monde». Bref, une manière de citer à peine voilé l’ancien chef d’Etat centrafricain, feu Ange Félix Patassé.

En 2013, on voyait la Séléka faire la grande marche sur Bangui suite à des scènes surréalistes, jusqu’à ce que cette coalition de mercenaires entre dans la capitale un certain dimanche 24 mars, au grand dam du potentat François Bozizé.

Aujourd’hui, les rumeurs de coup d’Etat vont bon train. Autres temps, autres mœurs ! La capitale politique du pays est frappée de plein fouet par les rumeurs d’un possible coup de force. La fin de la semaine dernière, celle-ci a connu un impressionnant coup d’arrêt.

Des hommes armés auraient infiltré la ville

Le samedi 08 décembre dernier, un Chargé de mission à l’Assemblée nationale a fait une publication sur Facebook qui, à millimètre près, vient confirmer les rumeurs qui se propageaient déjà.

«Alerte : il existe une forte probabilité qu’une attaque coordonnée de la CPC soit lancée contre Bangui cette nuit, notamment dans les quartiers environnants. Les éléments de la CPC sont aussi à 15 kilomètres de Kaga-Bandoro», a écrit Marwan Guinion, nouvellement nommé au cabinet du président de l’Assemble nationale, et réputé proche parent du ministre Conseiller à la présidence, Fidèle Gouandjika.

Devenue virale sous peu, cette publication sur les réseaux sociaux a non seulement créé un tollé, mais a encore plus créé des réactions au sein des populations civiles, pour la grande majorité.

«Ce message est-il rédigé par l’auteur à titre personnel ou en tant que Chargé de mission du président de l’Assemblée nationale ?», s’est questionné un internaute centrafricain vivant en France. Réplique directe du Directeur de publication du journal en ligne, «Le Tsunami» : «A ce niveau de responsabilité, l’on ne doit plus en faire à sa tête», a posté Imamiah-Edouard Yamalet, connu pour ses analyses critiques à l’égard du pouvoir en place.

Moral très bas pour les troupes

Les rumeurs qui gagnent la ville ont certainement eu leurs effets sur le moral des troupes centrafricaines. Le même samedi où le post de ce proche du pouvoir a été rendu public sur les réseaux sociaux, une scène surréaliste s’est aussi passée dans le 4e arrondissement de la ville de Bangui, et elle nous a été racontée par un ancien journaliste, devenu communicant : «Je suis choqué ! Hier soir, aux environs de 21 heures, les policiers basés au commissariat du 4e arrondissement ont déserté de leurs positions suite à une rumeur selon laquelle les rebelles auraient investi la capitale de Bangui», a témoigné Rosmon Zokoué. Et de poursuivre que «plusieurs d’entre eux se sont débarrassés de leur treillis pour se déguiser en parents des patients au sein de l’hôpital Sainte Blandine. Etant informée, la hiérarchie d’Etat a mis en place des check-points de l’armée régulière aux différents recoins de la capitale pour contenir la situation. Malheureusement, les soldats déployés se sont comportés de la même manière jusqu’à l’aube».

Mais, cet ancien professionnel de média ne cache pas son indignation en tirant la conclusion suivante : «Ce manque de conviction et de sincérité nous fera tous périr comme des idiots», fin de citation.

La scène surréaliste du quatrième arrondissement en dit long sur la fébrilité de l’appareil sécuritaire, encore mieux, du professionnalisme de l’armée centrafricaine. Soit !

Des rumeurs dans un contexte de regain de tensions

Ces nouvelles rumeurs de coup d’Etat apparaissent dans un contexte où les violences ont repris de plus belle dans les régions du pays. Le mardi 5 octobre dernier, au moins 30 civils ont été massacrés par des assaillants encore non identifiés, tandis que dans la même semaine à Ngakobo, au moins trois (3) personnes ont aussi péri. Tout ceci, suite aux différents appels à un «cessez-le-feu» formulés par l’ONG catholique italienne Sant’ Egidio et par la Conférence Internationale sur les Régions des Grands Lacs (CIRGL).

Et les Russes dans tout ça ?

Beaucoup d’observateurs de la vie politique en Centrafrique s’interrogent encore sur le rôle que jouent les Russes aujourd’hui face à la déflagration du climat sécuritaire. De ces analyses, l’on remarque bien un certain recul de la part des mercenaires qui avaient sauvé le fauteuil présidentiel lors de l’attaque du 13 janvier 2021. Comment expliquer cette volte-face ? Beaucoup d’éléments peuvent aider à le comprendre, entre autres l’incrimination des combattants russes par le gouvernement centrafricain et les pressions au niveau international quant à la présence des paramilitaires russes de Wagner.

Mais qui pourrait bien être derrière cette nouvelle aventure de coup de force ?

Les supputations vont actuellement bon train. L’on sait qu’officiellement, la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) est toujours aux ordres de l’ancien président Bozizé. Lui qui n’a pas encore renoncé à son ambition de revenir au pouvoir pourrait bien explorer une telle possibilité. Par ailleurs, il est certain que d’autres éléments sont venus compléter les analyses. Ce qui amène bien à soupçonner quelques esprits revanchards qui proviendraient soit des «frustrés politiques» du régime de Bangui, soit des officiers supérieurs de l’armée centrafricaine en porte-à-faux avec le pouvoir centrafricain.

Et si ces rumeurs de coup d’Etat n’étaient qu’une manière pour les groupes rebelles de mettre la pression avant la tenue du prochain dialogue républicain ?

Attendons de voir !

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