Bakouma : le coup de poker des mercenaires russes du Groupe Wagner

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En dépit de farouches et redoutables résistances de la part des guerriers et dignes descendants du peuple « Banda », le miracle tant attendu et tant voulu par tous ne s’est pas produit. La ville de Bakouma, après  deux jours  d’âpres et violents combats est finalement tombée sous le contrôle des hordes de mercenaires tchadiens et nigériens, lourdement armés, en nombre supérieur et venus de Bria en passant par Nzacko. Une chute prévisible spirituellement; car la veille, le sultan Bakouma Hervé , blessé l’arme à la main, dès les premières heures des attaques,  et évacué à l’hôpital régional de Bangassou, succombera quelques heures plus tard de ses blessures.

Désormais maître absolu des lieux, la coalition FPRC/UPC s’organise, prend possession des sites névralgiques de la localité, crée son état – major, fait installer ses barrières et pour éviter toute  incursion inopinée ou toute contre – offensive effectue régulièrement des patrouilles. Dans une ville totalement vidée de sa population et où se dégage l’odeur pestilentielle de la mort et du brûlis s’échappant encore des décombres des nombreuses maisons d’habitations et commerces incendiés, lors des accrochages. Un véritable état de désolation et d’inhumanité qui n’émeut pas les envahisseurs. Fiers de leur victoire durement et rudement acquise et d’avoir réussi à atteindre leur premier objectif dans cette bataille, ceux – ci s’affairent activement aux prochains dans les heures à venir : Rafaï et Gambo. Pour ce faire, des renforts en hommes et matériels arrivent depuis Bria, à bord de véhicules de marque Toyota Nissan Type BJ 75 et des motos.

Pendant que ces mouvements des troupes qui se mettent en place pour une nouvelle bataille, commencent à créer un vent de panique et de psychose généralisée au sein de la population dans les villes les plus proches  précitées, le haut commandement militaire des forces armées centrafricaines, basé à Bangassou situé à 100 Km de la ville martyre de Bakouma, reste  par contre fort étonnement immobile et non – réactif  face  aux tueries et aux exactions commises à l’endroit de la population civile.

Pourtant annoncée imminente, au plus fort moment des affrontements, le dimanche 30 et le lundi 31 décembre 2018 dans la matinée, aux fins d’appuyer les éléments Antibalaka et les guerriers de Bakouma qui menaient une bataille particulièrement  héroïque contre ces envahisseurs de la Séléka, l’arrivée du détachement des Faca, accompagnées par le contingent marocain de la Minusca en provenance de Bangassou, n’a jamais eu lieu.

Interpellé le mercredi 2 janvier 2019, à ce sujet, par les élus de la nation, le ministre de la sécurité publique et de l’administration du territoire, M. Wanzet Linguissara, intervenant en lieu et place du ministre de la défense nationale, Mme Marie Noelle Koyara, empêchée ou en mission, évoquera péremptoirement les difficiles conditions des routes pour justifier ce retard ou cette inaction des Faca. D’autres sources locales, indépendantes et crédibles parlent par contre d’un acte de refus poli de la part du haut commandement de la Minusca, basé à Bangassou, de soutenir les Faca dans cette bien périlleuse opération. Un appel de pied aux assaillants, en somme. Comprenne donc qui pourra. Cette stratégie d’immobilisme et de non – réactivité n’était pas celle – là dont la stricte observation avait permis à la nébuleuse Séléka de gagner du terrain, au lendemain de l’attaque et de la prise de la ville de Ndélé, le 10 décembre 2012 ? Qu’avait dit en ces temps – là le général Akaga, à propos de la ligne rouge érigée à Damara par les chefs d’Etat de la CEEAC ? L’autre général, celui de la Séléka, Harda Hamkouma, n’était – il pas passé par là afin d’atteindre les faubourgs de Bangui, le 22 mars 2013 ?

En réponse à ces interrogations, certains observateurs avertis de la vie politique centrafricaine et des voix autorisées dans certains milieux diplomatiques reconnaissent tout volontiers que non seulement l’attaque et la prise de la ville de Bakouma rentre dans le déroulement d’une stratégie de politique d’expansionnisme et vise à prouver au pouvoir de Bangui la supériorité militaire du FPRC et de l’UPC et à affirmer sa capacité à frapper et à s’imposer n’importe où, n’importe quand et contre n’importe quelle force en présence, mais surtout apparait comme un véritable coup de poker à mettre au bénéfice des mercenaires russes du Groupe Wagner.

En effet, si pour Nourreldine Adam et Ali Darass il est important d’activer les leviers de la conquête de nouvelles villes en vue d’avoir raison de la politique de fourberie et du non – respect de la parole de Touadéra et de le contraindre au dialogue et à plus d’ouverture, pour un certain Valery Zakharov et ses amis russes du Groupe Wagner atteindre Bakouma est le but ultime de leurs missions en Centrafrique. C’est ce qui était arrêté d’un commun accord avec Touadéra, en marge de la visite de travail effectuée à Sotchi le 9 octobre  2017 et de sa rencontre avec le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov : livrer des armes à la République centrafricaine, suite à l’obtention de la levée partielle de l’embargo, contre l’octroi d’importantes concessions minières.

Depuis lors, en application des ces engagements solennellement pris au nom du peuple centrafricain mais sans autorisation préalable de l’assemblée nationale, contre de fortes rétro – commissions, profitant de l’arrivée des instructeurs russes, les mercenaires du Groupe Wagner sont présents, à travers les sociétés dénommées « Sewa Security » et « Lobaye Invest », dans toutes les villes minières du pays, à savoir Boda, Boganda, Birao, Ndélé, Bria, Ouadda, Yalinga,  et Nzacko. Il ne leur restait plus que Bakouma pour boucler hermétiquement la boucle.

Pour y parvenir, ils n’ont pas lésiné sur les moyens pour fournir des armes et munitions aux éléments du FPRC et de l’UPC et leur ont fait tracer une route reliant directement Bria à Bakouma en passant par Nzacko. Disposant aussi d’aérodromes dans toutes les zones où ils ont ouvert des chantiers d’or et de diamant, notamment à Bria, où décollent et atterrissent en permanence des hélicoptères et des aéronefs, ils peuvent assurer leurs ravitaillement en temps réel. C’est ce auquel nous assistons actuellement.

Seulement Bakouma n’est pas une ville comme toutes les autres villes centrafricaines. Elle est une ville hautement stratégique à cause de son important gisement d’uranium dont le permis d’exploration et d’explotation, attribué par le général François Bozizé et son neveu Sylvain Ndoutingaï à la société sud – africaine dénommée Uramin en mai 2006 pour 27 millions de dollars, sera racheté quelques mois plus tard en 2007 par OPA par AREVA, le géant du nucléaire français. S’attaquer donc à cette ville, c’est ni plus ni moins s’attaquer aux intérêts stratégiques et vitaux de la France.

Jean – Paul Naïba

Nota Bene : Aux dernières nouvelles, les faca sont bloquées à 10 Km de la ville de Bakouma et le contingent marocain serait en négociation avec les envahisseurs dans la ville.

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