Assemblée Nationale : Transparence et déontologie : quelles sont les obligations des ministres ? Le cas Dondra et Autres selon les lois et règlements français

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 Les ministres et secrétaires d’État sont nommés par le président de la République sur proposition du Premier ministre. A leur entrée dans le gouvernement, durant leurs fonctions puis à leur sortie, ils sont soumis à certaines obligations en matière de transparence et de déontologie.
En outre, ils ont interdiction de cumuler leur activité gouvernementale avec certaines autres fonctions.
Lorsqu’ils cessent de faire partie du gouvernement, les ministres et secrétaires d’État peuvent percevoir une indemnité pendant trois mois maximum.

Les règles en matière de transparence et de déontologie

Ces règles ont été renforcées par la loi ordinaire du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, adoptée dans l’urgence à la suite de l’affaire « Cahuzac », et par la loi ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

A l’entrée dans le gouvernement

Dans les deux mois suivant leur nomination, les ministres et secrétaires d’État doivent adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration de patrimoine concernant la totalité de leurs biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. La déclaration porte notamment sur les immeubles, les assurances-vie, les comptes bancaires détenus.

Dans le même délai, les ministres et secrétaires d’État doivent transmettre à la HATVP et au Premier ministre une déclaration d’intérêts. Celle-ci doit mentionner les intérêts détenus à la date de leur nomination et dans les cinq années précédentes. Elle fait notamment apparaître, les activités professionnelles ou de consultant passées et présentes du déclarant, ses différentes participations aux organes dirigeants d’organismes publics ou privés, la profession de son conjoint, partenaire pacsé ou concubin.

La HATVP, qui a remplacé en janvier 2014 la Commission pour la transparence financière de la vie politique créée en 1988, est chargée de vérifier ces déclarations. Elle peut enjoindre un membre du gouvernement qui aurait omis de les déposer de le faire sous un mois, ainsi que de compléter ses déclarations ou de fournir des explications.

Pour assurer sa mission, la HATVP transmet à l’administration fiscale les déclarations de patrimoine afin obtenir tous les éléments pour en contrôler l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité (par exemple avis d’impôt sur le revenu, avis d’impôt sur la fortune immobilière). Elle saisit le parquet de toute déclaration de patrimoine irrégulière (cas en mars 2014 des déclarations de Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la Francophonie).

La HATVP publie sur son site internet les déclarations de patrimoine et d’intérêts des membres du gouvernement, assorties de ses éventuelles appréciations. Cette publicité est une innovation majeure de la loi du 11 octobre 2013, même si dès juin 2012 et avril 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait ordonné la publication des déclarations d’intérêts et de patrimoine des ministres sur le portail internet du gouvernement.

Lors de leur entrée au gouvernement, les ministres et secrétaires d’État doivent également confier à un tiers la gestion de leurs instruments financiers.

Ils font en outre systématiquement l’objet, dès leur nomination, d’une procédure de vérification fiscale. Cette procédure, supervisée par la HATVP et conduite par l’administration fiscale, permet de vérifier que les membres du gouvernement sont à jour du paiement de leurs impôts. Si tel n’est pas le cas, le président de la République et le Premier ministre en sont immédiatement informés (depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016) et le membre du gouvernement fautif contraint à la démission (comme le secrétaire d’État au commerce extérieur Thomas Thévenoud en septembre 2014). Jusqu’à la loi de 2013, cette vérification était mise en œuvre, de manière officieuse, à la demande du ministre du budget.

De plus, la vérification de la situation des membres du gouvernement peut avoir lieu avant même leur nomination. Cette pratique, initiée lors de la composition du gouvernement d’Édouard Philippe en mai 2017, est désormais prévue par la loi ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. En vertu de ce texte, le président de la République peut, préalablement à la nomination du Premier ministre, des ministres et secrétaires d’État, demander :

  • à la HATVP des informations sur leur situation au regard des conflits d’intérêts et sur le respect de leurs obligations déclaratives en matière de patrimoine et d’intérêts et d’activités ;
  • une attestation sur leur situation fiscale ;
  • le bulletin n°2 de leur casier judiciaire.

Le Premier ministre reçoit également ces informations (sauf si elles le concernent).

Pendant leurs fonctions

En cas de modification importante de leur patrimoine durant l’exercice de leurs fonctions, les ministres et secrétaires d’État doivent le déclarer à la HATVP. Il en est de même en cas de modification substantielle de leurs intérêts. Dans ce dernier cas, le Premier ministre doit également recevoir une déclaration.

Par ailleurs, les membres du gouvernement doivent exercer leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veiller à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. La loi de 2013 définit pour la première fois la notion de conflits d’intérêts. Il s’agit de « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Dans une telle situation, le ministre doit prévenir le Premier ministre afin que ce dernier exerce ses attributions pour régler les dossiers en interférence. La même règle s’applique au secrétaire d’État (ou ministre délégué) qui doit alerter le Premier ministre et son ministre de rattachement afin que ce dernier le remplace pour traiter les affaires en cause.

Depuis mai 2017, trois ministres et un secrétaire d’État du gouvernement d’Édouard Philippe ont fait l’objet de décrets de « déport ». C’est le cas notamment d’Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, qui a été déchargée de la tutelle de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), dirigé par son mari, ou de Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, qui a été déchargé des questions relatives à la « Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme » et à la marque de cosmétiques Ushuaïa. Ces décrets de déport figurent sur le « registre de prévention des conflits d’intérêts« , accessible sur le portail internet du gouvernement.

Ce registre mentionne également les cas dans lesquels un membre du gouvernement a estimé ne pas pouvoir participer à une délibération en conseil des ministres en raison d’une situation de conflit d’intérêts relative à la question débattue. La création de ce registre date de la loi précitée du 15 septembre 2017.

A la sortie du gouvernement

Dans les deux mois suivant la cessation de leurs fonctions, les ministres et secrétaires d’État doivent transmettre une nouvelle déclaration de patrimoine ainsi qu’une nouvelle déclaration d’intérêts à la HATVP.

La déclaration de patrimoine terminale doit récapituler l’ensemble des revenus perçus par le ministre ou secrétaire d’État (et le cas échéant par la communauté) depuis son entrée au gouvernement. L’objectif est de de lutter contre la corruption en vérifiant que la personne ne s’est pas illégalement enrichie lorsqu’elle était au gouvernement. En cas de variation inexpliquée de la situation patrimoniale, la HATVP transmet le dossier au parquet.

Par ailleurs, les membres du gouvernement sortants peuvent se voir interdire ou autoriser sous réserve par la HATVP, pendant un délai de trois ans après la fin de leurs fonctions, une activité libérale ou une activité rémunérée au sein d’une entreprise ou d’un établissement public industriel et commercial. Si les ex-ministres violent l’interdiction ou les réserves édictées afin de prévenir un conflit d’intérêts, la HATVP publie un rapport spécial et le transmet au parquet.

Les règles en matière d‘incompatibilité et de cumul avec d’autres fonctions

Les fonctions ministérielles sont incompatibles avec diverses autres fonctions, qu’elles soient publiques ou privées, électives ou non. Ces incompatibilités, qui sont pour l’essentiel prévues à l’article 23 de la Constitution du 4 octobre 1958, visent à garantir la disponibilité et l’indépendance des ministres.

Incompatibilité avec un mandat parlementaire

Un membre du gouvernement ne peut pas exercer en même temps un mandat parlementaire. Cette incompatibilité date de la Ve République.

Les députés et les sénateurs qui acceptent une nomination au gouvernement sont remplacés par leurs suppléants. Ce remplacement est, depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, temporaire : il prend fin un mois après la fin des fonctions ministérielles. L’ex-ministre retrouve automatiquement son siège de parlementaire. Il n’a plus à attendre, comme auparavant, la fin du mandat de son suppléant ou sa démission et l’organisation d’une élection partielle pour retrouver son siège.

Incompatibilités professionnelles (avec un emploi public, une activité privée ou une fonction de représentation professionnelle)

Le fonctionnaire, qui devient ministre ou secrétaire d’État, ne peut pas continuer à exercer son emploi public. Lorsqu’il entre au gouvernement, il est placé d’office en disponibilité. Dans cette position, il ne peut pas obtenir d’avancements de carrière, ni acquérir de droits à pension. Cette règle, instituée par la loi organique du 11 octobre 2013, est applicable depuis le 1er octobre 2014. Elle a mis fin au régime plus avantageux du détachement pour les fonctionnaires nommés au gouvernement.

L’exercice d’une activité professionnelle privée, y compris libérale, est également interdit aux membres du gouvernement. L’incompatibilité peut concerner toute activité, même annexe à la profession de la personne appelée au gouvernement (par exemple une activité publicitaire, comme ce fut le cas pour le secrétaire d’État aux sports Bernard Laporte en 2007).

Il est également impossible de cumuler des fonctions gouvernementales avec une fonction de représentation professionnelle à caractère national. Cette interdiction vise la direction nationale des syndicats patronaux ou de salariés et des organismes professionnels ou interprofessionnels (publics, semi-publics ou privés).

Les autres incompatibilités

Les fonctions de membre du gouvernement sont également incompatibles avec celles de :

  • président de la République (coutume constitutionnelle) ;
  • député européen (article 6 de la décision du Conseil des Communautés du 20 septembre 1976) ;
  • membre du Conseil constitutionnel (article 57 de la Constitution) ;
  • membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
  • membre du Conseil économique, social et environnemental ;
  • Défenseur des droits ou adjoints au Défenseur.

La question du cumul avec un mandat local

Aujourd’hui, aucun texte n’interdit à un ministre ou à un secrétaire d’État de détenir des mandats locaux. Toutefois, les présidents de la République Jacques Chirac en 2002 et François Hollande en 2012 ont appliqué à leurs gouvernements la doctrine instituée en 1997 par Lionel Jospin. Lors de sa nomination comme Premier ministre, celui-ci avait imposé à ses ministres de renoncer à la direction d’un exécutif local. En mai 2012, après l’élection de François Hollande, la « doctrine Jospin » a été formalisée dans une « charte de déontologie des membres du Gouvernement ». A son tour en mai 2017, Emmanuel Macron a demandé aux ministres nouvellement nommés de démissionner des exécutifs locaux qu’ils dirigeaient.

Un projet de loi constitutionnelle relatif aux incompatibilités applicables à l’exercice de fonctions gouvernementales et à la composition du Conseil constitutionnel, présenté le 13 mars 2013, prévoyait d’inscrire dans la Constitution l’interdiction du cumul des fonctions de ministre avec un mandat d’exécutif local. Toutefois, ce projet de loi a été abandonné faute pour le Sénat de l’avoir examiné.

Le projet de loi constitutionnelle, présenté le 9 mai 2018 en Conseil des ministres dans le cadre de la réforme des institutions, reprend cette interdiction. Son article 1er dispose que « Les fonctions de membre du Gouvernement sont également incompatibles… avec l’exercice d’une fonction exécutive ou de présidence d’assemblée délibérante au sein des collectivités…, de leurs groupements et de certaines personnes morales qui en dépendent ».

En novembre 2012, la Commission « Jospin » de rénovation et de déontologie de la vie publique, allait plus loin. Elle préconisait d’interdire le cumul d’une fonction ministérielle avec l’exercice de tout mandat local, exécutif ou non.

L’indemnité de cessation de fonction des membres du gouvernement

Après avoir cessé leurs fonctions, les ministres et secrétaires d’État perçoivent une indemnité équivalente au traitement qu’ils recevaient au gouvernement. Le versement de cette indemnité leur est assuré pendant trois mois (contre six mois avant la loi organique du 11 octobre 2013), sauf s’ils reprennent une activité rémunérée avant.

Les ministres et secrétaires d’État qui ont oublié de déclarer tout ou partie de leur patrimoine ou de leurs intérêts sont privés de leur indemnité (depuis la loi organique du 11 octobre 2013).

Concernant les avantages matériels (logement, voiture de fonction, etc.) des ex-ministres et secrétaires d’État, la loi ne prévoit rien.

Dans un souci de complète transparence et au nom de la séparation des pouvoirs, à l’instar du député René Dosière qui souhaitait en mars 2016 un débat parlementaire sur les avantages des anciens présidents de la République, certains ont réclamé une loi sur le statut des membres et anciens membres du gouvernement.

Source : vie – publique.fr

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