Afrique : Mauritanie, les enjeux du voyage d’Emmanuel Macron

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Les 2 et 3 juillet, Emmanuel Macron effectue un voyage en Mauritanie où se tient le sommet de l’Union Africaine. L’occasion d’évoquer l’avenir du G5 Sahel, l’effondrement de la Centrafrique et la question du Sahara occidental.

Le président Macron foulera le sable de Mauritanie, 21 ans après Jacques Chirac. Peu de pays africains, ayant des liens historiques avec la France, auront attendu aussi longtemps. Il est vrai que ce pays est sujet à de nombreuses « tempêtes de sable » politiques et se trouve au centre de nombreuses crises régionales tandis que ses relations diplomatiques sont parfois ambiguës.

Une visite bien préparée

Certes pour Emmanuel Macron, il s’agira d’une visite d »État qui sera éminemment profitable au président Mohamed ould Abdel Aziz, dont le blason a été passablement terni dans les domaines économiques et financiers, de la bonne gouvernance et des droits de l’homme. Il a bien suivi les traces de son ancien mentor l’ancien président Maaouyia ould Sid’Ahmed Taya. Cette visite vient à point nommé pour cet Oulad Bousbaa, du nom de sa tribu, fâché avec nombre d’hommes et femmes politiques, y compris avec des membres éminents de son clan comme ce fut jadis avec l’ancien président feu Ely ould Mohamed Vall et aujourd’hui avec Mohamed Ould Bouametou, l’ancien « patron des patrons », aujourd’hui en exil.

Il est assez rare que la visite du président Macron soit précèdée par Franck Paris, son conseiller Afrique. Les lobbies francais pro-Aziz se sont également multipliés par la voie parlementaire, par des anciens ministres comme Eric Besson et Michel Sapin, des conseillers franco-mauritaniens bien en cour et par des consultants « cherche à manger » habitués à louer leur service au président Mohamed ould Abdel Aziz, comme l’ex juge Brugière et le colonel Peer De Jong, ancien aide de camp de Jacques Chirac, témoin privilégié de la dernière visite présidentielle française.

Du côté mauritanien, évidemment c’est la préparation du 31 ème Sommet de l’Union africaine, qui aura lieu pendant la visite présidentielle, qui a mobilisé toutes les énergies. Ce premier Sommet en Mauritanie est une apothéose pour le président Mohamed ould Abdel Aziz. Afin de mettre tous les atouts de son côté, avec les conseils et la satisfaction de l’ONU, de l’Union africaine et de la France, un nouveau ministre des affaires étrangères a été nommé le 11 juin 2018. Ismail ould Cheikh Ahmed est un éminent diplomate ayant fait carrière à l’Onu, comme dernièrement au Yémen en qualité de représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu.

L’Union africaine a également préparé soigneusement cette rencontre, avec un long séjour du diplomate mauritanien Hacen ould Lebatt, conseiller spécial du président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat. Hacen ould Lebatt est notamment au cœur du traitement des crises en Afrique centrale ( RCA, RDC, Gabon et Burundi). Il est aussi très impliqué dans l’affaire du Sahara Occidental. Le président Macron donne carte blanche à l’Union africaine pour les crises en Afrique centrale. La récente visite du ministre Le Drian à Addis Abeba confirme cette convergence de vues.

Primauté à l’international

La visite d’État du président français en Mauritanie aura surtout une dimension internationale très importante. Le président Macron associe ses visites d’État à des Sommets internationaux , comme ce furent le cas à Ouagadougou, à Abidjan et à Dakar.

Avec la Mauritanie, ce sont les crises concernant indirectement ce pays qui seront à l’agenda du président Macron. Le pic de la crise entre le Maroc et le Polisario semble être dépassé. Certes la République arabe sahraouie démocratique sera représentée à Nouakchott au Sommet de l’Union africaine. Le Roi Mohamed VI a été encouragé à venir également. La présentation des Lettres de créance par le nouvel ambassadeur marocain, Hamid Chabar, spécialiste du Sahara occidental, a eu lieu mercredi 20 juin 2018. Le Maroc n’avait plus d’ambassadeur à Nouakchott depuis dix-huit mois. Outre les diplomates mauritaniens Hacen ould Lebatt et Ismail ould Cheikh Ahmed, un troisième diplomate mauritanien, El-Ghassim Wane,  Directeur Général adjoint des Opérations de maintien de la paix de l’ONU et ancien responsable de la gestion des crises africaines à l’Union africaine, est à la manoeuvre pour un dialogue confiant entre le Maroc et le Polisario. Les successeurs des grands diplomates mauritaniens comme Hamdi ould Mouknass et Ahmedou ould Abdallah ne manquent pas.

Il n’est pas sûr que l’Algérie voit tout cela d’un oeil bienveillant. En revanche, il serait surprenant que la France ne soit pas très présente dans cette évolution, aussi la visite du président Macron à Nouakchott est particulièrement opportune.

Avec les responsables de l’Union africaine, le président Macron et sa délégation auront sûrement des entretiens privilégiés. Les présidents Macron et Kagame devraient évidemment évoquer l’inquiétante évolution de la crise centrafricaine, la zone de libre échange en Afrique, le Franc CFA, les situations en RDC et Gabon et la crise migratoire. Ce sera aussi l’occasion de soutenir la candidature de Louise Mushikiwabo à l’Oif. Avec son probable renoncement a solliciter un nouveau mandat, l’actuelle secrétaire générale de l’OIF a préféré être absente du Sommet de l’Union africaine.

La visite du président Macron coïncide aussi avec la réunion du G5 ( Mali, Niger, Burkina, Mauritanie et Tchad). La Force africaine et les financements seront aussi un des sujets d’entretien du chef de l’État français avec ses homologues du G5 qui seront présents à Nouakchott.

Une visite à l’intérieur du pays sera une grande première pour un président français. Elle a été particulièrement préparée et pourrait permettre aux partisans du président Mohamed ould Abdel Aziz de réclamer haut et fort, devant le président Macron, que le Raïs devrait renoncer à sa promesse de ne pas solliciter un nouveau mandat. Comme souvent en Afrique, les chefs de l’État se prêtent à ce jeu qui ne trompe personne et contribue à accroître la mal gouvernance. Paul Kagame, Sassou Nguesso, Paul Biya et Idriss Deby Itno pourraient sûrement donner quelques conseils à Mohamed ould Abdel Aziz…

Source : Mondafrique

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