Affaire « Ndéké Luka & Bangui FM » : Attention, glissement vers un dangereux autoritarisme !

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Décevant !

Comme chacun le sait désormais, le 11 mai 2018, le Haut conseil de la communication s’est fendu d’une décision impropre en la forme, surréaliste en la démarche, parce que défiant le bon sens le plus élémentaire, pour « infliger » — cela ne s’invente pas — un « avertissement » à Ndeke-Luka et Bangui FM pour « diffusion d’appels à la désobéissance civile ». Ce qui serait contraire à la ligne éditoriale des deux stations radios si l’on en croit le texte du Haut conseil de la communication. Soit dit en passant que Ndeke-Luka serait en situation de « récidive ».

Cette décision, si l’on peut qualifier ça comme cela, nous aurait arraché un petit sourire s’il ne s’agissait pas d’une violation flagrante d’un droit fondamental : celui d’informer, qui est garanti par la Constitution de notre pays.

Il est aisé de constater que le Haut conseil de la communication a décidé de se faire, au nom d’une sorte de loyalisme suspect à l’égard du pouvoir, non point un organe de régulation garantissant la liberté de la communication mais plutôt une cellule de répression, satisfaisant les désirs des hommes en place. Ignorant donc que le pluralisme des opinions est la sève de toute démocratie digne de ce nom et faisant ainsi de la République centrafricaine une nouvelle Corée du Nord à la lisière de la forêt tropicale.

D’autant que cette sortie, qui n’est pas sans affecter l’image et la réputation de notre pays, est la parfaite illustration du glissement du pouvoir en place vers un régime autoritaire. Raison pour laquelle toutes critiques, toutes objections ou suggestions, toute remise en cause de la gouvernance du président Touadera, sont assimilés par ses thuriféraires, Machiavel de maison close, à un complot, une tentative de coup d’État en somme, un crime de lèse-majesté. Puisque, selon eux, « tout va pour le mieux dans le meilleur des monde » en République centrafricaine. Et le Haut conseil de la communiqué s’est transformé en Ayatollah de cette pensée unique.

Car en réalité, l’argutie de la diffusion d’appels à la désobéissance civile qu’évoque le Haut conseil de la communication est l’arbre qui cache mal la forêt des intentions des tenants du pouvoir de faire taire des voix qui les dérangent. Puisque, jusqu’à preuve du contraire, la désobéissance civile qui, selon le Larousse, est une action militante, généralement pacifique consistant à ne pas se soumettre à une loi pour des motifs politiques ou idéologiques, n’est nullement un acte illicite ou illégale. Bien au contraire. Sauf en Corée du Nord chez Kim Jong-Un.

Doit-on forcer l’évidence, en rappelant à ces messieurs et dames du Haut conseil de la communication que l’appel à la ville-morte du Groupe de travail de la société civile, l’une des composantes de la Nation centrafricaine, ne peut s’apparenter à de la désobéissance civile. À moins d’être de mauvaise foi ou alors d’inventer deux dictionnaires, l’un pour les oppresseurs, et l’autre pour les opprimés.

Surtout que le corps du métier du journaliste est de collecter, de traiter et de diffuser de l’information en respectant le principe d’équité et en étant le plus objectif possible. En l’espèce, Bangui FM avait relayé l’appel à la ville-morte du Groupe de travail de la société civile, le contre-appel de la Coordination de la société civile — proche du pouvoir — ainsi que la déclaration du ministre de la communication, porte-parole du gouvernement appelant les Centrafricains à ignorer l’appel de la société civile et à vaquer librement à leurs occupations quotidiennes. On ne peut pas être plus respectueux de l’éthique et de la déontologie.

Alors qu’en même temps, sur les médias publics, ceux de nos compatriotes qui sont considérés comme les opposants au régime sont vilipendés à longueur de journée sans qu’ils aient la possibilité de réagir et sans que le Haut conseil de la communication ne lève sans petit doigt. Pourtant, les médias publics fonctionnent grâce à l’argent de la collectivité, donc notre argent.

Dans ces conditions, il devient indispensable de rappeler aux membres du Haut conseil de la communication que Bangui FM est une radio libre, indépendante, laïque, attachée aux droits de l’homme et attentive à l’environnement.

C’est dire que nous ne céderons à aucune pression, d’où qu’elle vienne, de quelque nature ce que soit et que nous allons contester cette fameuse décision devant les tribunaux administratifs de notre pays. Nous n’acceptons pas d’être des victimes expiatoires des errements et des choix contestables d’un pouvoir se proclamant pourtant démocratique mais qui est réfractaire à toute contradiction.

Et comme nous le rappelait l’un de nos auditeurs, les membres du Haut conseil de la communication n’ont qu’à aller sanctionner les populations de Fatima et des Castors qui ont manifesté leur mécontentement lors du passage vendredi de Faustin Archange Touadera dans ces quartiers. C’est à croire que le Haut conseil de la communication s’est transformé en une police politique du régime. Ce qui est juste décevant ! Puisque les régimes passent — celui de Touadera s’en ira à coup sûr — mais les principes et les valeurs demeurent.

Adrien Poussou

Source : L’ÉDITO DE BANGUI FM DU 14.05.18

 

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