Accord Politique de Khartoum : amnistie, capitulation et nouvelle transition sous le règne des GA

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De tous les articles  contenus  dans l’accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, signée à Bangui le 6 février 2019, seuls deux points retiennent indubitablement l’attention de nombre de centrafricains, depuis sa publication, après moult hésitations, hasardeuses sorties médiatiques truffées de contrevérités  du porte – parole du gouvernement et plusieurs appels au calme et à la retenue, lancés par les thuriféraires du régime et leurs laudateurs à l’égard, selon les communicateurs du pouvoir de Bangui, des ennemis de la paix et des hommes politiques en quête perpétuelle de manœuvres de manipulations et de déstabilisation des institutions républicaines et démocratiques.

Il s’agit des points relatifs à la question d’amnistie et celle de la mise en place d’un gouvernement de large ouverture dont le premier ministre devrait être issu du rang des groupes armés et doté de pouvoirs étendus. S’il semble trop difficile à la majorité des centrafricains de trouver dans ce document assez volumineux un seul mot d’amnistie – puisqu’il ne s’y trouve pas  à dessein – alors que par contre il y a été expressément fait mention du concept « gouvernement »,  les plus futés d’entre eux n’ont pas eu trop de la peine à se rendre à l’évidence  pour comprendre que ce mot y a été bien développé, sous d’autres formes, histoire d’éviter de soulever l’ire de la société civile et  provoquer  la colère de la population centrafricaine qui n’a jamais voulu en entendre parler et qui s’y était farouchement opposée, dans les recommandations du Forum de Bangui.

En effet, en fins stratèges et sur conseils des négociateurs chevronnés, la délégation centrafricaine dirigée par M. Firmin Ngrébada et les 14 groupes armés se sont  faits instruire  toutes les précautions diplomatiques dans l’utilisation des mots et la rédaction de cet Accord pour que nulle part ne puisse apparaitre un mot pouvant susciter l’éveil de tout lecteur lambda à  faire allusion à la notion d’amnistie. Et, ils y sont parvenus avec de la belle manière. Sauf qu’ils n’ont pas su prendre, dans l’agencement des articles touchant à la justice et réconciliation nationale, toutes les mesures pour pouvoir tromper tout le monde. « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps », n’avait pas dit Abraham Lincoln ?

Que disent ces articles ?

Article : Les parties, tout en rejetant toute idée d’impunité et en reconnaissant le principe de la présomption d’innocence, reconnaissent les conséquences douloureuses et les stigmates des crimes graves sur l’ensemble des citoyens et des communautés en République centrafricaine ; Article 8 : Elles s’abstiennent de répéter ces crimes graves ou toutes attitudes et actes pouvant à nouveau les générer ; Article 9: Elles conviennent en outre d’accélérer la mise  en place de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation, en vue de promouvoir la vérité, la justice, la réparation, la réconciliation nationale et le pardon.

Ces articles ne sont ni plus ni moins  que la transcription de la volonté et de l’engagement formellement pris par les deux parties en présence, à savoir le gouvernement,  en d’autres termes, le justicier et celui dont la mission, au regard des dispositions de la constitution du 30 mars 2016, se résume à la défense de l’intégrité du territoire national, la protection des biens et des personnes, et à la préservation des intérêts fondamentaux de l’Etat, d’un côté, et les 14 groupes armés, de l’autre, en d’autres termes,  des criminels et ceux qui ont égorgé, incendié des habitations et greniers, se sont attaqués aux symboles de l’Etat, qui ont volé, pillé et contraint des milliers de famille à des déplacements, à s’entendre désormais afin d’ éviter que de nouveaux crimes ne puissent se commettre sur l’étendue du territoire national.

Pour bien se jouer du peuple centrafricain, et narguer leurs victimes, elles ont d’abord  l’audace de prôner et reconnaitre le caractère impuni dévolu à tout crime et le principe de la présomption d’innocence auquel a droit tout criminel, ensuite s’engagent à ne plus les commettre et enfin conviennent ensemble de mettre en place une commission pour examiner les évènements tragiques survenus dans ce pays, du fait de leurs faits, le gouvernement ayant été incapable d’assumer ses responsabilités telles que sus- évoquées, et les 14 groupes armés s’étant rendus coupables d’actes de graves atteintes aux droits humains. Une commission dans laquelle, elles siégeront au nom de la vérité, la justice, la réparation, la réconciliation nationale et le pardon. L’amnistie est bel et bien là, accordée aux groupes armés qui occupent plus de 80% du territoire national, et  qui sont mieux armés et plus déterminés.

Depuis quand, le justicier et le justiciable sont – ils autorisés à se mettre ensemble pour rendre justice à la victime ? Dans un tel environnement, quelle victime aura – t – elle le courage d’aller porter plainte, dès lors qu’elle sait que son bourreau et celui qui doit lui rendre justice dorment et mangent ensemble ? En le faisant, ne court – elle pas le gros risque d’être à son tour aussi égorgée comme sa mère et au nom de laquelle elle demande justice et réparation ? Si la commission vérité, justice, réparation et réconciliation a permis à la minorité blanche sud- africaine de continuer d’ avoir la main mise sur l’économie sud – africaine  et d’éviter de perdre tous ses privilèges, elle n’en sera pas de même pour les 14 groupes armés qui occupent plus de 80% du territoire et contrôlent des zones minières. Ils n’en ont que cure, continueront de commettre leurs exactions et n’accepteront jamais de déposer les armes pour des postes ministériels.

Et cela est d’autant plus vrai dans cet Accord qu’ il leur a été expressément concédé à l’article 16 de précieux privilèges dont on ignore fort étonnement  les tenants. Que dit cet article ? Article 16: les parties s’engagent, dès la signature du présent Accord, à mettre en place des unités spéciales mixtes de sécurité pour une période transitoire initiale de vingt – quatre (24) mois, et placées sous la supervision de l’Etat – major des forces de défense, et pourront solliciter l’appui technique de la Minusca. Elles sont constituées de membres des forces de défense et de sécurité nationales, et en majorité des membres des groupes armés ayant pleinement adhéré aux principes du présent Accord et suivi une formation adéquate de deux (02) mois. La capitulation est bel et bien là ; l’armée nationale ne jouira plus de la plénitude de son autonomie de réactivité afin d’accomplir ses missions régaliennes et républicaines; désormais, elle devra composer avec les 14 groupes armés.

Pour finir, le deuxième point qui suscite le débat au sein de la population centrafricaine et dans tous les milieux et qui touche à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, a été évoqué de manière timorée à l’article 21. Que dit cet article ? Article 21 : le président de la République, chef de l’Etat, s’engage à mettre en place immédiatement après la signature du présent Accord un gouvernement inclusif. S’il n’y a pas été clairement fait mention dans cet article que le nouveau premier ministre sera issu des groupes armés et doté de pouvoirs élargis, c’est seulement pour une fois de plus  divertir l’opinion  et donner un certain apparent de respectabilité aux fonctions du président de la république. En réalité, il a été fait injonction au président de la République de virer son premier ministre Simplice Matthieu Sarandji dans les meilleurs délais et de composer un gouvernement d’union nationale. Participent de ces formules diplomatiques, tous les autres articles relatifs aux principes de la souveraineté, au respect des droits de l’homme, aux valeurs de l’Etat de droit, et à la bonne gouvernance politique, administrative et financière.

En somme, et fort de tout ce qui précède, l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en République centrafricaine, signée le 6 février 2019, scelle la fin du  règne de Touadéra et de la gouvernance de son cher aîné Sarandji et instaure une nouvelle transition sous la coupe des groupes armés, avec la bénédiction de l’UA, l’ONU, le G5+, la CEEAC, la CEMAC, etc. Comme les Accords de Munich, le peuple centrafricain et toutes les victimes de dernières crises militaro – politiques, comme les Sudètes en 1938, sont abandonnés à leur  triste sort.

Jean- Paul Naïba

 

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