
Il fallait oser. À l’heure où les pays africains sérieux sont occupés à discuter de la transition écologique, de l’intelligence artificielle ou de la quête d’une paix durable, le régime tchadien, toujours à la pointe de l’innovation protocolaire, nous gratifie d’un communiqué d’une importance… capitale. Non, ce n’est pas une annonce sur la lutte contre l’extrême pauvreté, ni un effort pour promouvoir l’éducation ou la santé publique. Ce 13 décembre 2024, le gouvernement tchadien a décidé de nous enseigner comment appeler son Président. Excusez du peu.
Ainsi, par une résolution soigneusement numérotée (parce que, vous comprenez, la solennité exige des chiffres !), la nation consacre à jamais la dignité de « Maréchal » au Président Mahamat Idriss Déby Itno. Mais attention, chers citoyens et militaires, il ne s’agit pas simplement de le nommer comme tel. Non, la tâche est bien plus subtile et sophistiquée. Voici donc le protocole à suivre :
• Pour les civils : “Au Maréchal MAHAMAT IDRISS DÉBY ITNO, Président de la République, Chef de l’État”. Évidemment, en lettres majuscules pour bien faire comprendre la grandeur de la fonction.
• Pour les militaires, on rajoute un zeste de puissance : “Chef Suprême des Armées”. Parce que, ne l’oublions pas, l’ego a besoin d’être cuirassé.
Et ce n’est pas fini. À l’oral, c’est encore plus simple : un unique mot suffit, “Maréchal”. Là encore, ne vous avisez pas de dire ce titre sur un ton monocorde. Mettez-y du cœur, de l’admiration. Peut-être même une larme de reconnaissance.
Le plus fascinant dans cette affaire, c’est la minutie du document. On y apprend que le mot “Excellence” est désormais réservé aux Ministres et Chefs de Missions Diplomatiques. Comprenez bien l’implication : le “Maréchal”, lui, n’a pas besoin d’un titre aussi ordinaire qu’“Excellence”. Ce serait presque insultant. C’est un peu comme comparer un bon Moulah Taguiliyé à un simple Souroundou. Inconcevable.
Mais ne soyons pas trop sévères. Après tout, le culte de la personnalité n’a jamais tué personne… enfin, pas directement. Il est même probable que ce geste symbolique entre dans les annales de la diplomatie mondiale. Demain, les historiens s’interrogeront : “Comment une nation a-t-elle pu accorder autant de ressources à formaliser les salutations adressées à un homme ?”. Réponse simple : l’amour de la formalité n’a pas de prix.
On pourrait se moquer de ce communiqué en le comparant à une caricature, mais ce serait injuste. Ce texte est bien plus qu’une simple décision administrative. Il est le reflet d’un système où le symbolisme l’emporte sur la substance, où la hiérarchie remplace l’harmonie, et où l’ego d’un homme devient l’affaire d’une nation.
Alors, chers citoyens, respectez scrupuleusement ce guide. Et souvenez-vous, ce n’est pas tous les jours qu’un pays vous enseigne l’art de la déférence.
Finissons sur une note optimiste : peut-être qu’un jour, le Tchad consacrera autant d’énergie à ses hôpitaux, ses écoles et ses infrastructures qu’à ses formules protocolaires. Mais patience, cela pourrait bien nécessiter… une autre résolution.
La rédaction TchadOne
Lu Pour Vous