
Convoqués le 16 décembre à Yaoundé pour un sommet extraordinaire, les chefs d’État de la zone devront rendre des comptes au Fonds monétaire international. Inquiète de la dégradation de la situation économique en Afrique centrale, l’institution financière menace de renforcer ses sanctions. Coulisses.
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Omer Mbadi – Yaoundé
Publié le 13 décembre 2024
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À cause d’une conjoncture économique préoccupante, le président camerounais, Paul Biya, a convoqué une conférence extraordinaire des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), le 16 décembre, à Yaoundé. Pour l’occasion, le président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, a confirmé sa présence aux autorités camerounaises.
Le président congolais, Denis Sassou Nguesso, dépêchera quant à lui son Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, tandis que le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra y assistera en sa qualité de président en exercice de la Cemac. Les présences des chefs d’État tchadien et équato-guinéen restent cependant à confirmer.
Lors de cette assemblée, les dirigeants se pencheront sur la situation économique des pays de la zone afin de rassurer la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).
Signaux préoccupants
Tout est parti du séjour au Cameroun du directeur du département Afrique du FMI. Lors de sa rencontre, le 20 novembre, avec Yvon Sana Bangui, le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Abebe Aemro Selassie s’est dit préoccupé par un certain nombre de signaux au sein de la zone Cemac. Le fonctionnaire international a notamment pointé « des déséquilibres budgétaires persistants » des économies de certains pays et « une saturation du marché des titres publics ».
Trois jours après cette visite, Paul Biya a missionné son chef de la diplomatie, Lejeune Mbella Mbella, auprès de Faustin-Archange Touadéra, président en exercice de la conférence des chefs d’État de la Cemac pour la tenue du sommet extraordinaire.
D’après nos informations, les bailleurs de fonds internationaux espèrent que les pays de la zone Cemac vont tomber sur un consensus à l’issue de cette réunion. Le FMI, qui accentue la pression sur les pays d’Afrique centrale, souhaite que le Gabon, le Tchad et la Guinée équatoriale concluent de nouveaux accords avec lui. Le cas échéant, l’institution de Bretton Woods a menacé de ne pas débloquer ses ressources au profit du Cameroun, du Congo et de la Centrafrique. Par exemple, le FMI a suspendu un décaissement de 180 milliards de F CFA (274,4 millions d’euros) en faveur du Cameroun tant que le statu quo persiste dans la zone.
Ces dernières semaines, Bangui subit de nombreuses pressions de la part du FMI. L’institution financière, qui refuse toujours de débloquer la troisième tranche d’aide – au total 20 millions de dollars – prévue au titre de la facilité élargie de crédit signée en avril 2023 avec la Centrafrique, reproche aux autorités centrafricaines d’appliquer des prix « exorbitants » sur les carburants à la pompe, lesquels pèsent lourd sur l’activité économique. Toutefois, les conclusions du sommet du 16 décembre ne seront possibles qu’après la finalisation de l’évaluation en cours des finances publiques des pays de la région menée par la Banque mondiale.
Aussi, dans la capitale camerounaise, les chefs d’État devront prendre des engagements fermes pour l’adoption de plans triennaux de convergence. À ce jour, seul le Cameroun s’astreint à cette discipline. Pourtant, le dernier rapport de surveillance multilatérale adopté à Bangui le 11 octobre 2024 montre que les quatre critères de convergence – solde budgétaire supérieur ou égal à 1,5 % du PIB, inflation à 3 % au maximum, dette publique inférieure ou égale à 70 % du PIB, pas d’arriérés de paiement – ne sont pas intégralement respectés. En somme, aucun pays de la Cemac n’est à jour.
Tous les pays, à l’exception du Congo, affichent des déficits budgétaires au-delà de la norme. Par conséquent, pour répondre à leurs besoins de trésorerie, ils empruntent avec beaucoup de facilité sur le marché des titres publics abrité par la Banque centrale. Cette situation alarme les bailleurs de fonds qui craignent une saturation du marché des titres publics. L’encours des obligations et bons du Trésor était de 7 167 milliards de F CFA à fin octobre, soit 10,5 % du PIB régional.
Gabon et Congo épinglés
Deux pays soulèvent particulièrement des inquiétudes, le Gabon et le Congo, deuxième et troisième économies de la Cemac. En novembre 2024, Libreville a fait « cavalier seul » en achetant de manière anticipée et en monnaie locale (180 milliards de F CFA, soit 290 millions de dollars) la moitié de l’eurobond 2025, faisant fi des répercussions sur les réserves de change.
Cette décision des autorités gabonaises, prise sans concertation avec les autres États, va provoquer une sortie des devises (en dollars) pour rembourser les investisseurs, aggravant la chute des réserves, déjà au plus bas, gérées par la BEAC.
Jeune Afrique
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