
Il faut se donner toutes les chances pour que la montagne n’accouche pas d’une souris
Et pour cause. D’abord, les précédentes rencontres entre les deux chefs d’Etat engagés dans ce conflit fratricide, ont manqué de peu de virer au pugilat ; tant le niveau d’animosité entre les deux hommes a atteint un niveau insoupçonné. L’échec des médiations antérieures reste encore présent dans les esprits et l’on redoute que l’idée d’une nouvelle rencontre entre les deux présidents, n’ait été acceptée que du bout des lèvres. Il faut donc craindre qu’à sa mise en œuvre, elle ne soit assortie de conditions impossibles à satisfaire de part et d’autres. Le scepticisme, quant à la tenue de cette rencontre annoncée, est d’autant plus grand que les alliances qui se nouent sur le terrain, prouvent à l’envi que les acteurs de la crise continuent plus de croire à une paix imposée par la victoire militaire d’un camp sur l’autre, qu’à une paix obtenue comme fruit d’un dialogue entre frères qui acceptent d’enterrer la hache de la guerre. En effet, l’on sait que le président Félix Tshisekedi s’est rapproché dernièrement de la Russie par des accords militaires, et connaissant le modus operandi de ce nouvel allié congolais, il n’est pas exclu une arrivée de mercenaires russes pour tenter d’inverser la tendance des combats militaires sur le terrain en stoppant l’avancée du M23. A moins que tout cela ne vise à équilibrer les rapports de force pour être mieux à l’aise dans les négociations. Cela dit, si le doute persiste quant à la tenue de cette rencontre qui n’est encore confirmée par aucune des 2 parties belligérantes, la possibilité d’une paix des braves n’est pas totalement à exclure. D’abord, parce que la situation humanitaire sur le terrain est catastrophique du fait du lourd tribut que paient les populations à cette guerre. La nécessité d’une trêve, ne serait-ce qu’humanitaire, s’impose. Ensuite, il y a le risque que le conflit s’enlise et cela, sur le long terme, ne fait pas l’affaire des deux parties qui, immanquablement, peuvent se ruiner dans des affrontements quand tout simplement elles ne perdent pas le contrôle sur les seigneurs de guerre qui vont naitre et exploiter, à leurs propres profits, les immenses richesses minières de la RDC.
La nécessité de travailler à l’apaisement des cœurs à l’interne
Il y a des risques évidents de graves dérapages et cela engage la responsabilité historique des deux chefs d’Etat qui doivent impérativement accepter de se parler pour éviter de franchir le seuil de l’horreur. Il faut donc accepter de s’asseoir à la même table et négocier franchement et non avec le poignard dans le dos. Et cela devrait être le second défi du médiateur Joao Lourenço si l’annonce de la rencontre venait à être confirmée par les deux chefs d’Etat. Cela dit, en attendant de voir dans les prochains jours comment tout cela se mettra en œuvre, il faut se donner toutes les chances pour que la montagne n’accouche pas d’une souris. Et pour ce faire, il faut déjà pacifier les opinions publiques internes aussi bien en RDC qu’au Rwanda. L’on sait, en effet, que les deux chefs d’Etat bénéficient chacun, dans son pays, de forts soutiens qui peuvent finalement être nuisibles à tout effort de paix. D’où la nécessité de travailler à l’apaisement des cœurs à l’interne pour donner une chance aux efforts de médiation angolaise. Cette dynamique interne doit être soutenue par la communauté internationale qui doit quitter sa posture qui consiste à condamner verbalement le conflit sans se donner les moyens de contraindre les acteurs à revenir à la paix, ne serait-ce qu’en asséchant leurs sources de financement. On le sait, en effet, les grandes puissances, comme les Etats-Unis et la France, se sont contentées de condamner le conflit du bout des lèvres, juste pour se donner bonne conscience sans de mesures coercitives pour contraindre les frères ennemis à se mettre sous l’arbre à palabres. C’est donc le bon moment de joindre l’acte à la parole en soutenant la médiation angolaise qui fait montre d’une grande détermination en vue d’éteindre ce feu qui pourrait embraser les Grands Lacs avec de graves et évidentes conséquences.
« Le Pays »