
Ce remaniement ministériel peut traduire une volonté, pour le président gabonais, de battre le rappel des caciques du pouvoir
C’est dire si en battant le rappel, à la Primature, de son ancien porte-parole dont le caractère bien trempé et la verve très tranchante, ont fait une partie de sa réputation, le président gabonais ne place pas sa confiance en n’importe qui pour conduire le dialogue politique demandé par les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition en vue des importantes échéances électorales. En vérité, on voit venir Ali Bongo. En effet, pas plus tard que le 24 décembre dernier, le Parti démocratique gabonais (PDG), parti au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle, avait appelé son « candidat naturel » qu’il est, à briguer un troisième mandat. Un message et des appels qu’il dit avoir « entendus » et qu’il « prend comme des témoignages de confiance (…) [qui] ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd ». C’est pourquoi, à quelque sept mois de la présidentielle, ce remaniement ministériel peut traduire une volonté, pour le président gabonais, de battre le rappel des caciques du pouvoir. Et ce, pour faire contrepoids à la coalition Plateforme alternance 2023 mise en place, le 4 janvier dernier, par l’opposition et la société civile qui ne se fixent pas d’autre objectif que de mettre fin à 55 ans de règne de la dynastie Bongo. Le décor est donc planté pour ces élections pluralistes de cette année (présidentielle, législatives et locales) qui augurent, une fois de plus, de chaudes empoignades entre une opposition gabonaise en quête d’alternance, et un Parti démocratique gabonais bien décidé à conserver le pouvoir malgré les griefs formulés à l’encontre de son valétudinaire leader à qui l’on prête des intentions d’un troisième mandat.
Le dialogue politique envisagé entre le pouvoir et l’opposition doit être empreint de franchise et de sincérité
Et rien ne dit que la nomination du Premier ministre sortant, Madame Christiane Ossouka Raponda, à la vice-présidence, un poste resté longtemps vacant, ne répond pas au même impératif de resserrer les rangs de la majorité et de ne négliger aucun détail pour mieux faire face à une opposition qui peut être convaincue de ses chances si elle se montre suffisamment soudée et vigilante, au regard des résultats contestés de la dernière présidentielle qui ont vu Ali Bongo déclaré vainqueur, d’une très courte tête avec 49,80% des voix, contre 48,23% pour son principal challenger, Jean Ping, au terme de l’unique tour du scrutin. La suite, on la connaît avec la vive contestation de l’opposition suivie de la violente répression qui s’en est suivie. Sept ans plus tard, les enjeux n’ont pas changé. Et à quelques encablures de la présidentielle, tout porte à croire que l’agitation frénétique à laquelle l’on assiste aussi bien dans l’opposition qu’au niveau du pouvoir, n’est ni plus ni moins qu’une façon de fourbir les armes pour se donner les meilleures chances de l’emporter le moment venu. C’est de bonne guerre. Mais au regard de l’histoire du pays, on peut craindre que les enjeux des différents scrutins ne débordent le cadre civilisé des urnes pour donner lieu à des contestations et des violences comme le Gabon en a souvent donné la triste image de par le passé. C’est pourquoi le dialogue politique envisagé entre le pouvoir et l’opposition pour définir ensemble les bases de la préparation des scrutins, doit être empreint de franchise et de sincérité, si le Gabon veut se donner des chances d’organiser des scrutins aux lendemains apaisés et rompre avec la détestable image des violences pré et post-électorales qui ont souvent émaillé les élections au pays des Bongo.
« Le Pays »