
TOUADERA, NGOUANDJIKA…ET LE GENOCIDE (SUITE)
Petite mise au point :
Un ami qui m’a lu hier, et avec qui je m’entretenais dans la soirée, m’a fait remarquer ceci : pourquoi mettre en cause le président Touadéra, au lieu de me braquer sur le seul Ngouandjika, auteur de l’appel au génocide.
Je lui ai rétorqué, en souriant, à cet ami (qui n’est pas un Centrafricain), que ce Ngouandjika, je m’en fiche complètement ; il n’est rien et ne représente rien. Le seul petit détail qui lui confère un semblant d’existence, c’est le titre creux qu’il porte officiellement : « ministre-conseiller-spécial-du-président-de-la république ». Titre confus s’il en est, dont il se sert à souhait, dont il use et abuse à Bangui. J’ai rappelé à mon interlocuteur que, partout dans le monde (sauf en RCA), on est soit ministre, soit conseiller. Pas les deux! C’est une bizarrerie centrafricaine, pays qui compte un bon paquet de « ministres-conseillers du président… ». C’est ridicule et puéril, ces « ministres » qui ne le sont que de nom et en sont si heureux…
J’ai dit à mon ami, qu’un conseiller, par définition, se contente de « conseiller » son patron, de lui prodiguer des conseils, car ce dernier seul doit agir, décider, et assumer. De plus, il existe un porte-parole de la présidence de la République, et un porte-parole du gouvernement. Ngouandjika n’existe pas et n’a aucun droit à la parole publique. Le seul apte à le lui rappeler, interdire, ou le reprendre et le recadrer, c’est son patron. Lorsque celui-ci l’écoute parler en public, et tout le temps prendre des positions, mais se tait, il étalé son impuissance. Il cautionne donc les élucubrations de son « ministre-conseiller », et donc l’encourage à persister. A force, on finit par en déduire que c’est Touadéra qui parle par Ngouandjika interposé. 《Qui ne dit mot consent.》
Revenons au génocide en projet.
Quiconque a visité le Rwanda post-génocide, vu et touché du doigt les traces laissées par cette folie humaine, visité les musées et mémorials érigés pour qu’on sache et qu’on se souvienne, pour que « PLUS JAMAIS ÇA », ne peut se permettre de jouer avec un tel sujet – à moins d’être atteint d’une débilité profonde et incurable.
D’après les prétentions académiques douteuses qu’ils brandissent à Bangui et dont ils se gargarisent à tous propos, les Touadéra, Ngouandjika, et consorts ne lisent pas, ne s’informent pas…
Mieux. Je croix savoir que dans son auto-vassalisation assumée, le « président » Touadéra se rend souvent au Rwanda. Mais y aller pour prendre les ordres et instructions de son maître Paul Kagamé est une chose, y aller pour s’informer, s’instruire de la malheureuse expérience de ce peuple il y a 30 ans en est une autre.
J’ai eu la chance de séjourner dans certains pays de cette zone (Zambie, Burundi, Tanzanie, Zanzibar, RDC), et bien sûr le Rwanda. Je suis d’autant plus furieux que des « responsables » politiques de mon pays montrent autant de légèreté en abordant le génocide rwandais!
Outre mon séjour riche d’enseignements, j’ai aussi lu beaucoup de publications, visionné maints documents sur le génocide des Tutsi.
Ainsi, j’indique quen 1998, quatre ans après les massacres, une opération baptisée 《RWANDA, ECRIRE PAR DEVOIR DE MEMOIRE》a conduit plusieurs écrivains et artistes à se rendre au Rwanda; ils y ont séjourné, ont enquêté, rencontré des rescapés, recueilli des témoignages, pour tenter de comprendre ce qui s’est passé. Le but était que chacun écrive à l’issue de l’opération, un ou des ouvrages sur le génocide.
L’un des ouvrages qui a particulièrement retenu mon attention est celui du journaliste, romancier et essayiste sénégalais Boubacar Boris DIOP, intitulé » Murambi, le livre des ossements « , instructif à plus d’un titre.
Les passages sélectionnés par mes soins, que l’on va lire, sont extraits de cet ouvrage.
J’invite spécialement messieurs Touadéra, Ngouandjika, Sarandji, et leurs applaudisseurs patentés à s’imprégner de ces extraits, et à confirmer que c’est bien un massacre similaire qu’ils sont en train de préparer au paisible peuple centrafricain.
J’ajouterai, pour être complet, qu’il a été établi que le génocide rwandais n’a été possible que parce que le « Hutu Power » qui était à la manœuvre comptait les « concepteurs » du génocide (les responsables intellectuels), les financiers, les organisateurs politiques, et, plus bas, les exécutants ou « manieurs de machettes », les fameux « Interhamwe ».
Aujourd’hui, 30 ans après, la traque systématique continue pour les concepteurs, financiers et organisateurs, avec arrestations, procès et condamnations.
Les dirigeants centrafricains, concepteurs et financiers du génocide qu’ils conçoivent et programment n’ont qu’à bien se tenir. Comme leurs modèles rwandais (Bagosora, Nahimana, Karekezi et autres), l’histoire pour eux ne s’arrêtera pas aux massacres…
Extraits de « Murambi, le livre des ossements » :
《Au Rwanda, des politiciens à l’intelligence limitée ont dit à leurs partisans : « Prenez vos machettes, allez sur les collines allez par les rues des villes et tuez tous nos ennemis, tuez-les jusqu’au dernier, mais veillez à ce qu’ils souffrent mille morts avant de mourir!》p.257
C’est ça le génocide.
《En 1994, ils sont revenus et je suis la seule à leur avoir échappé. Il ne me reste plus aucun parent au monde. L’homme a été jeté en prison après le génocide, puis le gouvernement l’a libéré du fait de son âge. Chaque matin, quand je vais au travail, je le vois assis sur le seuil de sa maison et il me suit du regard (…) Et on veut que, moi, je pardonne?》p250-251
Voilà ce que c’est que le génocide.
《A Kibungo, Butare et ailleurs au Rwanda (…), on avait assassiné dix mille personnes par jour, pendant cent jours, sans un seul jour d’interruption. 》p.239
Voilà le génocide.
《- Combien de personnes ont-ils tuées ici (à Murambi)?
– Entre quarante-cinq et cinquante mille.》part.186
C’est ça, me génocide.
《Les tueurs sont de plus en plus cruels. Ils exigent souvent des mères qu’elles pilent leurs propres bébés avant d’être elles-mêmes exécutées. Il y a exactement trois jours, à l’Ecole Technique de Murambi, dans le sud-ouest, le docteur Karekezi (…) a lâché ses tueurs sur des milliers de Tutsi qu’il prétendait protéger. Sa femme et ses deux enfants faisaient-ils partie, comme on me l’a rapporté, des victimes?》 poursuit.145
Voilà me génocide
《Leur nouveau crédo semble se résumer à ceci : nous ne pouvons certes pas les éliminer tous, mais faisons en sorte que les rares survivants meurent de douleur, à petit feu, pendant le reste de leur vie.》p.145
C’est ça, le génocide.
《Le résultat, ce sont des dizaines de milliers de corps en putréfaction qui jonchent les rues, les lieux de culte, les édifices publics. Quelques passants transportent chez eux des fauteuils ou des téléviseurs volés aux victimes. Des jeunes gens roulent à tombeau ouvert dans des voitures qui ne leur appartiennent pas.》 P.146
C’est aussi ça, le génocide.
《Seuls les plus chanceux pouvaient négocier leur mort avec un ‘Interhamwe’. Ils lui disaient : je te donne tant d’argent et en échange tu vas me tuer avec une arme à feu et non avec une machette. Ce souci de dignité était alors payé au prix fort.》p.146
Voilà le génocide.
《Quand ils ont fini (de te violer à plusieurs), ils te versent de l’acide dans le vagin ou t’enfoncent dedans des tessons de bouteille ou des morceaux de fer. 》p 123
Je pourrais prolonger cette récitation à souhait… Mais cela suffit.
Voilà à quoi ressemble le génocide que le « ministre-conseiller-spécial-du président-de-la-république centrafricaine promet au peuple, si jamais ce président perd le pouvoir.
Chacun appréciera la chance qu’à ce peuple d’avoir de tels dirigeants!
Ernest Lakouéténé-Yalet
Le 20 janvier 2024.