
Il s’appelle Nguété. Il est colonel de la police, détaché depuis quelques temps près la société centrafricaine d’énergie dénommée Enerca, dans le cadre de la lutte contre les multiples actes de fraudes, de vandalismes et de destructions de ses installations et autres équipements dont cette entreprise est régulièrement victime. Depuis le vendredi 20 janvier 2017, il séjourne dans les geôles de la Section de Recherches et d’Investigations, en abrégé SRI. Son seul tort : avoir accompagné, le 18 janvier 2017, sur instructions du directeur commercial de l’Enerca, une équipe d’agents de réseau de distribution et de commercialisation, dans le secteur des 17 villas , sis en face de la Tour Pétroca abritant la primature, au domicile de la Dame Delphine Patetif, de nationalité française, conseiller technique du ministre de la justice, garde des sceaux, M. Flavien Mbata, pour poser et installer un compteur à prépaiement.
Une fois arrivée sur les lieux, l’équipe de l’Enerca en mission de service public, va être confrontée à un refus catégorique de la part de la Dame Delphine Patetif qui fait assujettir son accord de pose et d’installation de ce nouveau compteur à la condition que ces compteurs soient préalablement posés et installés chez tous les ministres, les députés et les maires. Devant cette résistance, M. Nguété, en sa qualité d’officier de police judicaire est obligé d’intervenir pour tenter de convaincre Dame Patetif de l’urgente nécessité de procéder à cette opération.
En réponse, non seulement, il a été vertement tancé par l’abonnée, mais surtout celui – ci a été obligé de répondre à un autre officier de police judiciaire au bout du fil et appelé par Dame Patetif, en lui disant poliment qu’il ne fait que faire son travail. Et Dame Patetif de laisser tomber de sa bouche à qui veut l’entendre : Elle est l’amie de Touadéra et de Sarandji et le jour de la célébration de son anniversaire tous les membres du gouvernement étaient chez elle à maison. Comme pour dire à des agents d’une société d’Etat dans l’exercice de leurs missions : Allez-vous faire foutre !
Deux (2) jours plus tard, répondant à une convocation du commandant de la brigade de la SRI, faisant suite à un message – porté du procureur de la République suivi de la mention « Pour enquête en arrestation » et en l’absence totale d’une plainte en bonne et due forme, il lui sera notifié séance tenante les motifs de son interpellation : intrusion au domicile de la Dame Delphine Patetif d’une équipe de l’Enerca, accompagnée du colonel de la police, M. Nguété, acte de violence et voie de fait sur la personne susnommée.
Pour la gouverne des uns et des autres, il faut noter que dans le cadre de la lutte contre les fraudes dont ne cesse d’être victime l’Enerca et en vue de faire augmenter un tant soit peu le niveau de ses ressources propres, le gouvernement a décidé, suite à la proposition de la direction générale de cette entreprise, de faire poser et installer progressivement les compteurs à prépaiement. En conseil de ministres, priorité a été donnée à certaines zones dont le secteur des 17 villas. Mais, alors que tous les 16 autres locataires n’ont manifesté aucune résistance à la mise en œuvre de cette opération, Dame Patetif, quant à elle, trouvera des subterfuges pour s’y opposer.
D’abord au mois de décembre, en prétextant l’épuisement total de ses crédits de consommation d’électricité. Ensuite, en demandant à l’équipe de l’Enerca, en mission à son domicile, le 3 janvier 2017 de revenir le 15 janvier 2017. Enfin, en opposant un refus catégorique à cette opération, une fois en mission à son domicile, en date du 18 janvier 2017.
Un refus qui a suscité des inquiétudes dans son entourage et ses voisinages immédiats qui ne comprennent pas les raisons de cette opposition et qui se demandent pourquoi ces compteurs ont été posés et installés chez eux et pourquoi pas chez elle.
Une Dame à problèmes ? C’est que les combattants de la liberté et de la démocratie ont fini par comprendre. Il ne saurait en être autrement tant les mots utilisés dans les motifs posent un vrai problème de droit et n’ont de sens que ceux que Dame Patetif veut bien leur donner, pour assouvir son dessein : faire coffrer un nègre qui a eu le courage, dans le cadre d’une mission officielle, au nom de la République, de faire son travail et de le lui dire ouvertement sans ambages et sans fioritures, comme l’aurait fait un agent de l’EDF, en France.
Car, comment peut – on ici parler d’intrusion, c’est – à – dire d’une entrée soudaine et inattendue d’une personne dans une propriété privée, alors que M. Nguété n’a fait qu’accompagner, pour la première fois, une équipe d’agents de l’Enerca qui est passée à trois reprises déjà chez elle et conformément à une lettre d’information dont la teneur est préalablement notifiée à qui de droit ? Comment peut – on retenir les motifs d’acte de violence et de voie de fait contre M. Nguété, sans que des éléments irréfragables de preuve d’agression physique n’aient été préalablement établis et que des témoignages constants et concordants des membres de l’équipe aient conduit à la certification des attouchements des parties jugées intimes de la Dame Patetif par le mis en cause ? Et pour quelles raisons, M. Nguété devait – il en arriver là en la présence de tous ses collaborateurs ?
Une histoire vraiment pathétique à dormir debout, mais qui pose le problème du trafic d’influence et de l’intrusion du politique et du relationnel dans le judiciaire. Qu’en disent alors le président de la République, M. Touadéra, candidat de la rupture et du changement, et le premier ministre, Simplice Matthieu Sarandji, dont les noms sont sortis de la bouche de cette Dame comme étant ses amis, et qui ont l’obligation de veiller à la protection de tout fonctionnaire ou de tout agent dans l’exercice de ses fonctions ? Cette mission à laquelle a pris part M. Nguété, n’était – elle pas en application de la décision du conseil des ministres, relative à la pose et à l’installation des compteurs à prépaiement ? Dans l’affirmative, que fait alors M. Nguété dans les geôles de la SRI, depuis plus de 72 heures ? Cette jurisprudence n’aura – t – elle pas dans les jours à venir un impact négatif sur la motivation et le zèle d’autres Nguété dans l’exercice de leurs fonctions ?
Me Zarambaud Assingambi avait raison : la République centrafricain est le pays de tous les records négatifs.
Jean – Paul Naïba