
L’unanimité est loin d’être faite entre les acteurs politiques sénégalais sur la mise en place de ce comité d’enquête
Sont passés à la trappe le truculent opposant et maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, mais aussi Karim Wade, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, dont les partisans ne décolèrent pas contre les « grands juges » sur qui pèsent d’ailleurs des soupçons de corruption. C’est pour faire la lumière sur cette affaire ainsi que sur les contestations entourant le processus électoral, que la résolution de création d’un comité d’enquête a été adopté à l’effet de passer au crible les décisions de l’institution judiciaire de validation des candidatures. Le vote, qui est intervenu à l’issue de débats houleux ponctués parfois d’altercations entre élus, a été largement soutenu par les députés du PDS et de la majorité présidentielle là où des partis de la coalition d’opposition Yewwi Askan wi comme le PASTEF d’Ousmane Sonko et le PUR (Parti de l’unité et du rassemblement) du guide religieux Cheick Mouhamadou Moustapha Sy, se sont vivement opposés. C’est dire si l’unanimité est loin d’être faite entre les acteurs politiques sénégalais sur la mise en place de ce comité d’enquête qui a six mois pour déposer ses conclusions. La question qui se pose alors est de savoir quel impact cela pourrait avoir sur la présidentielle du 25 février prochain. La question est d’autant plus fondée que le 25 février prochain, c’est dans trois semaines. Et si la procédure vise à réparer éventuellement les torts de candidats recalés en vue de les réintégrer dans la liste, il y aura une véritable équation à résoudre entre le délai de six mois que la commission se donne pour rendre ses conclusions et les trois semaines qui séparent désormais les Sénégalais de la date prévue pour les élections. Va-t-on alors vers un report de la présidentielle pour laisser la procédure aller à son terme ? Ou bien décidera-t-on de la tenir au grand dam des recalés et de leurs partisans ?
La création de cette commission d’enquête à l’avant-veille de l’ouverture de la campagne électorale, est un mauvais signal pour la démocratie sénégalaise
La question est d’autant plus importante qu’un éventuel glissement du calendrier électoral ne manquera pas de conséquences sur l’atmosphère sociopolitique déjà très tendue au Sénégal. Car, au-delà du débat sur une éventuelle prolongation du mandat du président sortant au-delà du délai constitutionnel, le Sénégal court le risque de se retrouver dans l’impasse si une crise politique devait en appeler une autre, à propos de cette présidentielle qui polarise les attentions depuis maintenant deux ans au pays de Macky Sall. A moins que tout cela ne procède finalement de bas et petits arrangements politiciens visant à obtenir une petite prolongation de mandat au natif de Fatick qui a renoncé à la course à sa propre succession dans les conditions que l’on sait. En tout cas, le soutien massif des députés de la majorité présidentielle qui a permis à cette résolution du PDS de passer comme lettre à la poste au parlement, ne manque pas d’interroger. De l’autre côté, on peut comprendre aussi pourquoi les partisans de Ousmane Sonko ont voté contre. Car, non seulement leur candidat n’a, de prime abord, rien à espérer d’une telle commission, mais aussi tant que Bassirou Diomaye Faye qui fonde à présent leurs espoirs en tant que plan B, restera dans le collimateur de la Justice, il sera un candidat en sursis. En tout état de cause, les décisions du Conseil constitutionnel sont généralement connues pour être sans appel. Et cette présidentielle n’est ni la première, ni la dernière que le Sénégal organise. C’est pourquoi on se demande à quelle nécessité de transparence absolue répond la création de cette commission d’enquête, qui amène à s’interroger sur l’intégrité même du processus électoral. C’est pourquoi aussi la création de cette commission d’enquête qui tend à jeter le discrédit sur le Conseil constitutionnel à l’avant-veille de l’ouverture de la campagne électorale, est d’autant plus un mauvais signal pour la démocratie sénégalaise que l’on peut craindre des tensions à venir autour de cette présidentielle qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, de salive mais aussi de sang au pays de la Teranga.
« Le Pays »