
Le Centrafrique de Touadéra, pays de travaux forcés : Ensemble, libérons le travail et les travailleurs
PAR PR JEAN–FRANÇOIS AKANDJI–KOMBE
Les spécialistes des sciences du travail définissent le travail forcé comme un travail
exécuté sous la contrainte.
Et nous en sommes là en RCA lors de ces festivités du 1er mai 2023. Pendant que l’on
fête en grande pompe à Bangui et pendant que l’on rivalise de congratulations pour les
quelques–uns qui ont été gratifiés de la médaille du travail, dite médaille du mérite
centrafricain (que certains ont d’ailleurs achetée), combien de compatriotes vivent le
travail comme un enfer sur la terre–même de leurs ancêtres ?
Il y a ceux–là qui travaillent dans les mines des Darassa, Wagner et sinistres consorts. La
seule loi qu’ils connaissent, imposée par leurs bourreaux, est : « creuse ou meurs ! ». Ils
n’ont droit à aucun salaire. Personne ne se soucie de leur fatigue, ni de l’état de leur
santé. Ils sont corvéables à merci. Et s’ils s’avisent seulement d’écouter leur fatigue ou,
pire encore, de se plaindre, c’est la punition, qui va des coups de fouet ou de crosse à une
balle dans la tête, en passant par la sodomie publique. Oui, vous avez bien lu. C’est à ce
prix pour les Centrafricains que les amis de Touadéra s’enrichissent et l’enrichissent.
Il y a aussi ceux–là et celles–là qui ont pu, en risquant leur vie, cultiver un petit bout de
champ jusqu’à la récolte, ou qui ont réussi à vendre quelques tas de bois ou de charbon, des beignets, quelques bols de bouillie, ou leurs produits artisanaux, et qui se font braquer et voler, soit le fruit de leur récolte, soit le maigre gain de leur commerce. Leur sort est le même que celui des travailleurs des mines. Ils auront travaillé, sué, mais sans aucun bénéfice pour eux–mêmes et pour leur famille ; et c’est par la force qu’on les aura privés de ce bénéfice.
Et, songeons aussi à ceux–là qui, contraints et forcés par la nécessité, parce qu’il faut bien
survivre, acceptent et accepteraient n’importe quel « travail », même le plus indigne, où ils sont sûrs d’être maltraités, insultés, privés de paye, licenciés selon le bon vouloir de leur employeur. Combien sont–ils ? On ne peut le dire. Mais ils représentent très certainement la grande masse des travailleurs centrafricains, dont une majorité encore sont des jeunes et des femmes.
La fête du 1 er mai ne pourra prétendre à nouveau être une fête que si cette situation
change. Bien sûr, il ne s’agit pas de rêver au monde idyllique du bon travail pour tous. Il
n’existe nulle part. Ce dont a besoin le pays et ce que les Centrafricains attendent, c’est que ceux qui les gouvernent assument leur responsabilité à l’égard du travail : faire appliquer les lois qu’ils adoptent et les conventions internationales qu’ils signent ; mettre en place les institutions qui vérifient que les employeurs respectent bien ces lois et conventions, telles que l’inspection du travail et la juridiction du travail ; donner à ces
institutions les moyens de travailler et de sanctionner les abus.
Ce que les Centrafricains attendent aussi, c’est la fin des privilèges, la fin des recrutements
familiaux, claniques et clientélistes, qui transforment notre pays en « République » des
incompétents m’as–tu–vu. Parce que ce sont ces pratiques qui sont à l’origine de l’inversion des valeurs dans notre pays et, finalement, de notre descente aux enfers. Cela doit cesser !
Source : Bulletin citoyen d’information, d’éducation et de mobilisation du lundi 1er mai 2023 – Numéro 017