Gabon : huis clos tendu avant les résultats de la présidentielle

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Gabon : huis clos tendu avant les résultats de la présidentielle

Auteur : Laurence Caramel

Rubrique : International.
813 mots

A l’issue du scrutin de samedi, le couvre-feu a été décrété et l’accès à Internet coupé

C’est une population ­gabonaise isolée du monde qui attend les résultats des élections générales organisées samedi 26 août, dont l’enjeu n’est autre que le départ de la famille Bongo du pouvoir qu’elle occupe depuis 1967. Affaibli par un accident vasculaire cérébral en 2018, Ali Bongo Ondimba, qui a succédé à son père en 2009, brigue un troisième mandat.

Après avoir exclu la présence d’observateurs internationaux et refusé l’accréditation de journalistes étrangers, le gouvernement a coupé l’accès à Internet dès la fin du vote et imposé dimanche un couvre-feu de 19 heures à 6 heures en invoquant les risques de « propagation d’appels à la violence et de fausses informations ». Dans la foulée, la diffusion de RFI, France 24 et TV5 Monde, très suivis localement, a été suspendue. Il leur est reproché un « manque d’objectivité et d’équilibre dans le traitement des élections en cours ».

« Ces décisions sont tout à fait inacceptables, dénonce Georges Mpaga, président exécutif du Réseau des organisations libres pour la bonne gouvernance au Gabon (ROLBG). Rien ne les justifie si ce n’est la préparation d’un coup d’Etat électoral et, une nouvelle fois, la prise en otage du pays par la famille Bongo. Le scrutin s’est déroulé dans le calme et sans incidents majeurs en dehors de problèmes ponctuels d’organisation liés à l’incompétence des institutions électorales. » Certains bureaux ont notamment ouvert quatre à six heures après l’horaire légal d’ouverture. L’absence de bulletins de vote en faveur de candidats de l’opposition a aussi été signalée.

Avec le Consortium de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie et le réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale, le ROLBG a toutefois pu déployer des observateurs à travers le pays pour assister au dépouillement du scrutin à un tour auquel étaient conviés quelque 850 000 électeurs pour décider, outre du choix du futur président, du renouvellement des députés et des maires.

Dans un communiqué conjoint, ces organisations ont réclamé, lundi 28 août, la levée de l’ensemble des restrictions et le retour dans leur caserne « des milliers de soldats et de forces de sécurité, lourdement armés, déployés dans le but d’intimider et de créer la psychose dans la population ». Elles appellent aussi Ali Bongo à accepter « la vérité des urnes » dont les premières tendances donnent, selon elles, le principal candidat de l’opposition largement en tête. Les estimations tirées du comptage parallèle des résultats qu’elles ont réalisé sur un échantillon de 1 000 bureaux de vote attribuent « 68 % des suffrages exprimés » à Albert Ondo Ossa, le candidat de la plate-forme Alternance 2023 – les treize autres candidats, dont le chef de l’Etat sortant, se partageant les 32 % restants.

Lors d’une conférence de presse organisée lundi à Libreville, c’est sur des chiffres très comparables que s’est appuyé Mike Jocktane, le directeur de campagne de M. Ondo Ossa pour appeler Ali Bongo « à s’incliner humblement devant la volonté du peuple gabonais » et à organiser « sans effusion de sang la passation de pouvoir ».

Le souvenir des émeutes réprimées dans le sang, en 2016, quelques heures après la proclamation officielle des résultats, fait redouter la répétition de ce scénario. « La rue reste calme jusqu’à présent, car le pouvoir n’attend que ce prétexte pour réprimer toute contestation, mais il ne faut pas croire que la population est prête à se laisser imposer encore une fois ses dirigeants. Son niveau d’exaspération est pire qu’il y a sept ans », affirme l’opposant Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, vice-président du parti Union nationale.

Chômage massif.

En 2016, les rapports des observateurs internationaux et notamment de l’Union européenne avaient confirmé les accusations de fraude formulées par l’opposition. Le silence des Nations unies et des principaux partenaires du Gabon, dont la France, après la série de mesures de restriction des libertés imposées dans le processus actuel est d’autant plus mal perçu. « Certains pays ont décidé de fermer les yeux devant ce régime qui ne se maintient que par la force, pérennise une gestion patrimoniale de l’Etat et favorise l’enrichissement d’un petit groupe au détriment du plus grand nombre. La démocratie est devenue subsidiaire », constate l’économiste Mays Mouissi, dont le rapport publié en juillet dresse un bilan sévère du deuxième septennat d’Ali Bongo.

Au Gabon, l’un des pays les plus riches du continent, un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et le chômage touche près de 40 % des jeunes, rappelle-t-il. Si les engagements du président en faveur de la protection des forêts et du climat peuvent, à ses yeux, expliquer cette grande tolérance, il met en garde contre les risques de voir s’allumer un nouveau foyer de crise en Afrique.

Les porte-parole de la présidence comme du gouvernement sont restés injoignables lundi. Aucune information n’a été communiquée sur la date de publication des résultats.

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