
Cette année, il y aura un second tour à l’élection présidentielle, mais cela n’est pas forcément un avantage pour les adversaires d’Ali Bongo
Ce procès en illégitimité dans un pays politiquement instable et où l’addiction à la dispute postélectorale est connue de tous, pourrait être l’un des signes avant-coureurs d’une probable crise qui fera encore des vagues avant, pendant et après la triple élection simultanée d’août 2023 (présidentielle, législatives et municipales). Ce serait dommage pour les deux parties actuellement en concertation à Libreville si malgré tout ce qu’elles peaufinent pour décrisper le climat politique et pour ne pas détricoter les acquis du précédent dialogue, des micmacs notamment du parti au pouvoir afin de rebeloter à l’issue des prochains scrutins, venaient à braquer une opposition qui donne pourtant déjà des signes d’une fébrilité suicidaire. C’est vrai que cette année et pour la première fois, il y aura un second tour à l’élection présidentielle, mais cela n’est pas forcément un avantage pour les adversaires d’Ali Bongo Ondimba qui n’iront sans doute pas aux urnes ensemble et en chantant, en raison de la cordialité empreinte de méfiance réciproque qui a toujours existé entre eux. Et comme la plupart d’entre eux sont des anciens barons du régime, le parti au pouvoir aura moins de difficulté à casser toute éventuelle coalition anti-Bongo. Et il fera en sorte que la profonde réforme électorale dont il est question dans le dialogue en cours, n’aboutisse pas à un bouleversement pour ne pas dire à un cataclysme politique qui verrait le Parti démocratique gabonais ultra dominant depuis sa création le 12 mars 1968 par Bongo père, défait malgré la constellation de partis et d’opportunistes qui gravitent autour de lui.
Le refus de la politique de la chaise vide par certains opposants, pourrait amener la majorité présidentielle à faire cette fois-ci des concessions importantes
En clair, les dés sont déjà pipés. Et malgré les importants stigmates laissés par la précédente élection présidentielle qui s’était déroulée dans la sueur et dans le sang, la révision des listes électorales prévues en mars prochain, le convoyage des urnes, le comptage des votes de même que la centralisation des résultats seront acceptés dans le principe, par la majorité présidentielle, à la seule condition qu’ils aboutissent ou concourent à la victoire d’Ali Bongo. Les perdants pourront vociférer ou vitupérer comme ils voudront, les partenaires du Gabon auront la latitude de rappeler leur attachement aux principes internationaux relatifs aux processus électoraux. Et le président de la Conférence épiscopale du Gabon, Mgr Jean Vincent Ondo, aura le droit de se poser des questions, comme il l’a fait récemment, sur l’intérêt de gagner une élection si les droits fondamentaux de la personne et le salut des âmes sont compromis, vendus ou hypothéqués. Mais « l’invincible » Ali Bongo n’en aura cure et continuera à déposer…sa canne au Palais du bord de mer, et à régner en maitre absolu sur ce petit pays d’Afrique centrale à peine plus peuplé que la ville de Ouagadougou. Ainsi va la vie politique au Gabon depuis des lustres, et ce n’est certainement pas le dialogue politique qui s’ouvre ce matin, qui fera exception à cette règle qui semble immuable, selon laquelle il y a toujours plusieurs candidats à la magistrature suprême, mais c’est toujours un Bongo qui gagne, pour paraphraser le mythique avant-centre de l’équipe d’Angleterre, Gary Lineker, qui disait qu’en football, il y a 22 joueurs qui courent derrière le ballon pendant 90 minutes et à la fin, c’est toujours l’Allemagne qui gagne. Cela dit, et pour rester toujours dans le registre du sport, l’essentiel, c’est de participer comme le disait Pierre de Coubertin, avec l’espoir que le refus de la politique de la chaise vide par certains opposants, pourrait amener la majorité présidentielle à faire cette fois-ci des concessions importantes qui, si elles sont appliquées, permettront peut-être à l’opposition d’être plus représentative au parlement et dans les municipalités, contrairement aux autres fois où elle avait été laminée par le parti au pouvoir et ses satellites.
« Le Pays »