Démocratie en Afrique : le retour des années de plomb, selon le président du MLPC Martin Ziguélé

 

DEMOCARTIE EN AFRIQUE : LE RETOUR DES ANNEES DE PLOMB

Après la très longue période des régimes de partis uniques qui a suivi la vague des indépendances des pays africains en 1960, le début des années 1990 s’est distingué par la tenue presque partout en Afrique des « conférences nationales souveraines, suivies de mise en place de régimes consensuels de transition démocratique, avec des gouvernements d’union nationale.

Ces gouvernements de transition démocratique ont travaillé au retour du pluralisme politique et des libertés publiques, généralement couronnés par des élections libres, démocratiques et alors transparentes. Beaucoup de pays africains en sont à leur quatrième ou cinquième alternance démocratique au sommet de l’Etat, notamment en Afrique australe et de l’Est, et dans quelques pays de l’Afrique de l’Ouest dont notamment le Sénégal qui est un exemple en matière de passage démocratique d’un régime à l’autre. En Afrique centrale, des alternances démocratiques ont pu s’opérer de manière pacifique dans certains pays comme la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, l’Angola et Sao Tomé, aux côtés des régimes les plus anciens au monde depuis la disparition de la Reine Elizabeth II d’Angleterre…. Dans certains autres pays, la démocratie s’est arrêtée aux textes et au rituel électoral, mais sans alternance.

Bien évidemment, ce train démocratique, quoique poussif, avançait malgré des élections généralement frauduleuses, des révisions constitutionnelles opportunistes destinées à s’assurer des « troisièmes mandats » ou des mandats présidentiels à rallonge, et des déficits de plus en plus visibles de gouvernance dans beaucoup de pays. Les partis politiques ont essaimé partout dans nos pays, mais souvent sans véritable colonne vertébrale idéologique. Dans beaucoup de pays, le rôle de ses partis, au moins sur le plan éthique, doit être questionné sur la problématique générale de l’affaiblissement de la démocratie représentative en Afrique ces derniers temps. En effet, très souvent hélas, les partis politiques dont le rôle de gardien de la démocratie est central, sont manipulés par des pouvoirs sans scrupules pour constituer des « majorités » parlementaires dociles, ils n’hésitent pas à monnayer leurs soutiens à des politiques dont devenait de plus en plus absent le devoir de reddition. Les populations ont le sentiment légitime d’être trahies par les politiques qui s’entendraient sur leurs dos.

Si les lendemains électoraux sont devenus de plus en plus électriques dans beaucoup de nos pays, l’exemple récent du Gabon en témoigne, il faut également souligner que beaucoup d’Etats africains et non les moindres, comme le Nigeria …. la Tanzanie, le Botswana, etc. ont déjà réalisé plusieurs alternances dans la paix et les avancées démocratiques y ont rimé avec des politiques publiques crédibles, qui ont entrainé des améliorations notables des conditions de vie de la population.

Cependant depuis deux ou trois ans, force est de constater que la démocratie traverse une grande zone de turbulence en Afrique : les coups d’Etat militaires sont revenus à un rythme impressionnant. D’abord la Guinée, puis le Mali, le Burkina-Faso, le Niger et en ce début de mois le Gabon. Ces coups d’Etat ont renversé des Présidents démocratiquement élus dans chacun de ces pays, avec des prétextes toujours presqu’identiques : mauvaise gouvernance politique, économique et sécuritaire.

Des juntes militaires plus improbables les unes que les autres se sont mises en place avec une rhétorique prétendument dite de rupture, mais qui masque à peine des pratiques politiques autocratiques, antidémocratiques et liberticides. Le coup d’Etat du Niger qui a renversé et pris en otage le Président démocratiquement élu Mohamed BAZOUM, avec son épouse et son enfant, par des militaires qui étaient justement chargés de sa sécurité, est l’illustration de ce nouveau patrimonialisme militariste dans nos pays avec pour conséquence la déstabilisation socioéconomique et politique de toute l’Afrique, si rien n’est fait contre ce mouvement.

Pour revenir toujours au Niger, parce que d’actualité, depuis sept semaines le Président élu BAZOUM refuse courageusement de signer une démission qui scellerait la mort des institutions du Niger et donnerait carte blanche à des militaires félons : en refusant de le faire, le Président Mohamed Bazoum demeure un des ultimes remparts pour éviter le basculement de nos fragiles démocraties dans une régression abyssale. Comble de l’ironie, les usurpateurs du pouvoir, fossoyeurs de la démocratie, prétendent désormais le poursuivre pour « haute trahison » avec des menaces d’atteinte à son intégrité physique et à sa vie. En célébration de cette journée du 15 septembre, déclarée Journée Internationale de la Démocratie, le Président Mohammed BAZOUM, progressiste, démocrate et républicain démocratiquement élu à la tête du Niger pris en otage par la soldatesque, est le symbole pour l’Afrique et le monde entier de la Démocratie mise en danger. Nous ne voulons plus d’un deuxième ALLENDE ; nous ne voulons pas d’un héros mort, le Président BAZOUM doit être libéré et restauré au pouvoir.

Que faire concrètement ?

Si nous, démocrates et progressistes du monde entier, voulons réellement que les aspirations démocratiques des peuples africains soient respectées, il faut considérer que le cercle de feu des putschs aussi bien militaires que constitutionnels du « troisième mandat » ou des pouvoirs à vie sans limitation de mandat disparaisse de la surface de la terre. Comme avant hier contre le fascisme brun, comme hier contre le colonialisme et l’impérialisme, nous devons ensemble lutter sans relâcher contre le nouveau SIDA de l’Afrique qui s’appelle coup d’Etat militaire ou civil. Ce sont les deux faces d’une même pièce de monnaie et leurs conséquences sont la confiscation du pouvoir du peuple et la négation de la démocratie.

La Journée Internationale de la Démocratie nous interpelle également sur le devoir de solidarité, entre les progressistes et les démocrates du monde entier. Cette solidarité doit être agissante, militante et active partout et toujours parce que nous sommes convaincus que le devenir du processus démocratique dans toute l’Afrique est en danger AUJOURD’HUI. Si comme démocrates nous sommes convaincus que seule la démocratie rend l’homme digne, que les pronunciamientos ne doivent pas redevenir sur le continent le moyen privilégié d’accession au pouvoir, alors la solidarité devient un impératif et l’ingérence démocratique un devoir.

Quel avenir, quelles perspectives pour l’Afrique ?

Comme progressistes, nos objectifs principaux sont la paix et la justice sociale. La démocratie permet de construire la paix et d’ouvrer pour la justice sociale en Afrique et dans le monde. La démocratie oblige, par le biais des institutions de contre-pouvoir, les dirigeants élus à rendre compte, donc à travailler pour l’intérêt général.
Les défis de sécurité et de développement qui se posent au continent africain, ne seront pas résolus par des régimes d’exception, bien au contraire, comme on le voit déjà dans certains Etats passés sous la coupe des corporations militaires. Ils le seront par des forces politiques organisées, progressistes et républicaines, qui compteront d’abord sur les populations africaines elles-mêmes, notamment les jeunes et les femmes, et le soutien international militant sera un appoint décisif.

Martin Ziguélé

Laisser un commentaire