
En froid avec le cabinet de la présidence, Chérif Mahamat Zène, le ministre des Affaires étrangères du Tchad, a annoncé, dans un tweet sur les réseaux sociaux, le 19 septembre 2022, sa démission du gouvernement de transition. Pour l’instant, si on ne connait pas le motif réel de cette démission, on peut regretter le fait que celle-ci tombe à un moment où le dialogue amorcé entre les fils et filles du pays connaît un coup d’arrêt en raison du retrait de l’église catholique, de certains acteurs de la société civile, de l’opposition … Justifiant sa démission, Chérif Mahamat Zène évoque le fait qu’il serait contrarié dans ses prérogatives et en conflit avec certains membres du cabinet présidentiel. Et d’ajouter qu’il voyait chaque fois dans son cabinet, les signes de défiance se multiplier ces derniers mois. Les preuves brandies par l’ex-ministre des Affaires étrangères sont multiples : perte de son statut de médiateur en chef en plein milieu des négociations avec les politico-militaires à Doha au Qatar, de plus en plus d’envoyés spéciaux dépêchés dans des missions diplomatiques à sa place, des nominations de dizaines de cadres dans son département ministériel sans qu’il ne soit consulté. Si ces faits, tels que décrits, sont avérés, on peut alors comprendre sa décision de claquer la porte. Son courage, de prime abord, mérite d’être salué quand on sait que dans nos républiques « bananières », pareille démission est rarissime, car on est plutôt habitué à voir des hommes politiques prêts à vendre leur dignité pour sauvegarder les privilèges que leur confère le poste qu’ils occupent.
Les difficultés rencontrées par le ministre ne datent pas d’aujourd’hui
On pourrait cependant regretter que cette démission intervienne à un moment où le dialogue politique national prend du plomb dans l’aile, où le processus connaît un coup d’arrêt suite au retrait d’un certain nombre d’acteurs et non des moindres. D’ailleurs, à ce sujet, l’opposition prévoit une mobilisation suivie d’une marche dans les jours à venir pour dénoncer les « mauvaises » manœuvres du régime militaire consistant à retarder le processus du retour à un ordre constitutionnel normal. Et la démission de Chérif Mahamat Zène prouve une fois de plus qu’au Tchad, il n’est pas facile de travailler avec un régime issu d’un coup d’Etat militaire. Au regard des motifs invoqués pour justifier cette démission, on est porté à croire que le président de la Transition, Mahamat Idriss Deby, n’a pas joué franc- jeu avec son ex-ministre des Affaires étrangères. On pourrait croire qu’il a plutôt contribué à « pourrir » l’atmosphère au sein du département ministériel de celui-ci jusqu’à ce qu’il soit contraint à la démission. Il est vrai que le ministère des Affaires étrangères est un département stratégique et en tant que tel, il relève beaucoup plus de la présidence de la République. Le ministre des Affaires étrangères répond de ce fait du président de la République. Les difficultés rencontrées par le ministre ne datent pas d’aujourd’hui. Celles-ci ont duré presque deux ans. Alors pourquoi Cherif Mahamat Zène a-t-il accepté de vivre tout ce temps « le martyre » pour décider aujourd’hui de démissionner ? Une démission qui intervient pendant qu’il séjourne à l’extérieur. Pourquoi avoir choisi le canal des réseaux sociaux pour présenter cette lettre de démission au président de la Transition alors qu’il aurait pu le faire une fois rentré au Tchad ? A-t-il eu peur qu’on s’en prenne à son intégrité physique ? Chérif Mahamat Zène compte-t-il retourner au Tchad pour occuper sa place dans ce processus censé ramener la paix dans son pays ? Autant de questions qui peuvent se poser. On note cependant que suite à cette démission, la réaction du gouvernement ne s’est pas faite attendre. Un proche du président de la Transition sorti du « bois » a annoncé que Cherif Mahamat Zène veut tout simplement paralyser la diplomatie tchadienne. Selon lui, le ministre démissionnaire est un monsieur « sans principe » qui quitte le bateau à un moment aussi crucial pour le Tchad.
Ben Issa TRAORE
Source : Le Pays