
L’un est étiqueté comme proche de l’Hexagone alors que l’autre est fiché comme l’un des plus russophiles chefs d’Etat du continent
S’est-il rendu à Bamako après avoir constaté l’échec patent des stratégies internes de lutte contre l’hydre terroriste, pour convaincre son homologue de la nécessité de mutualiser effectivement les forces des pays voisins, pour stopper l’engrenage de la violence qui vise de plus en plus les civils ? Ou était-il en mission commandée, pour raisonner le paria de la sous-région et ennemi juré de la France, afin qu’il renoue avec le G5 Sahel dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, et qu’il reprenne langue avec l’ancienne puissance colonisatrice, dans une sorte de remariage de la carpe et du lapin? Il y a sans doute un peu de tout cela dans cette visite expresse du président Damiba à Bamako, qui pourrait être la première d’une longue série dans l’espace communautaire, puisqu’il est attendu aujourd’hui déjà à Abidjan où il rencontrera le président ivoirien, Alassane Ouattara. Il sera question, avec ce dernier, non seulement de la gangrène du terrorisme qui a fini par gagner la Côte d’Ivoire, mais aussi de la réconciliation nationale au Burkina, de la coopération économique entre les deux pays, sans oublier le sort des soldats ivoiriens détenus au Mali dont trois ont été libérés samedi dernier, officiellement pour raison humanitaire, grâce à l’entremise du président togolais. En un mot comme en mille, c’est une course contre la montre que semble entamer le président burkinabè, à un an et demi de la fin de son magistère, pour réunir tous les moyens nécessaires à la sécurisation et à la stabilisation de son pays. Ce n’est malheureusement pas gagné d’avance, quand on sait que le travail fait à la six-quatre-deux pour réconcilier les Burkinabè, a pris un mauvais virage, que des terroristes sont en train de plastronner dans certains chefs-lieux de province, que le dépeçage des recettes publiques par les grands « carnassiers » de l’Etat continue malgré les sanctions, et que les projets et programmes de développement sont ensevelis dans le cimetière de l’administration publique, s’ils n’ont pas tout simplement rebroussé chemin vers les pays partenaires, justement à cause de la montée en puissance de…l’insécurité. C’est ce bilan somme tout sombre dont il n’est pas l’unique comptable, que le président du Faso a étonnamment présenté comme étant en demi-teinte dans son adresse à la Nation de la nuit dernière, laissant de nombreux Burkinabè pantois et assommés de déception. En demandant à ses compatriotes de donner du temps au temps, pour reprendre la célèbre formule de Don Quichotte, il espère que les mesures fortes qu’il a annoncées dans la foulée, vont concourir à la reconquête des territoires et des cœurs perdus dans cette guerre absurde, avec évidemment la contribution et la coopération de pays comme le Niger et surtout le Mali, pour prendre en étau tous ces « feux follets » qui se jouent des frontières. Reste à savoir si les deux putschistes que sont Paul Henri Sandaogo Damiba et Assimi Goïta pourront se faire mutuellement confiance au point de se prêter franchement main forte dans cette arène où chacun lutte d’abord pour sa survie, d’autant que l’un est étiqueté comme proche de l’Hexagone et de certains de ses laquais africains, alors que l’autre est fiché comme l’un des plus russophiles chefs d’Etat du continent. Espérons que le légendaire antagonisme géostratégique de ces deux puissances ne va pas compromettre l’éventuelle collaboration militaire entre les deux colonels car, au-delà des intérêts partisans, c’est la survie de leurs pays respectifs déjà en compote et au bord du collapse, qui est sérieusement menacée.
Hamadou GADIAGA
Le Pays