Centrafrique : voici les conditions minima pour une reprise de coopération avec la France

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« Alors que le sort de la dernière mission militaire française en RCA semble incertain, la ministre centrafricaine des affaires étrangères dresse l’état des relations – tendues – entre Paris et Bangui, sur fond de présence russe grandissante dans le pays, et appelle à reprendre un dialogue, selon elle, rompu », pouvait – on lire dans l’article intitulé : « Relations diplomatiques Centrafrique – France : Nous devons nous parler », publié le 15 septembre 2022 par Médiapart.

Depuis juin 2022, la France a gelé son aide budgétaire à la République centrafricaine et suspendu sa coopération militaire, jugée « complice » d’une campagne antifrançaise téléguidée par la Russie. « A plusieurs reprises, les autorités centrafricaines ont pris des engagements qu’elles n’ont pas tenus, tant sur le plan politique envers l’opposition que sur le comportement vis-à-vis de la France, qui est la cible d’une campagne de désinformation massive en RCA », a affirmé le ministère des Armées. « Les Russes n’y sont pas pour rien, mais les Centrafricains sont au mieux complices de cette campagne », a-t-on appris le lundi 7 juin auprès du ministère des Armées. Fin avril, les cinq coopérants militaires français qui étaient en poste au ministère centrafricain de la Défense ont été rappelés à Paris. Les entraînements militaires prodigués aux Forces armées centrafricaines (Faca) par des troupes françaises stationnées au Gabon ont été interrompus, a précisé le ministère, confirmant des informations du site d’informations Mediapart.

En revanche, la France, ancienne puissance coloniale, continue de contribuer à hauteur d’une centaine de militaires à la mission européenne EUTM-RCA, qui en mobilise près de 200 pour former les Faca. Sont également maintenus la dizaine de militaires participant à la mission de maintien de la paix de l’ONU en Centrafrique (Minusca), qui y dispose de 12.000 Casques bleus. L’aide budgétaire française, de l’ordre de 10 millions d’euros, est par ailleurs « suspendue jusqu’à nouvel ordre », a précisé de son côté le ministère français des Affaires étrangères qui précise que les projets bénéficiant directement à la population centrafricaine ainsi que son aide humanitaire, soit environ six millions d’euros, sont maintenus.

Rappelons que la France qui est intervenue de 2013 à 2016 en Centrafrique par le truchement de l’opération Sangaris pour faire cesser les violences, a remis 1.400 fusils d’assaut aux Faca en décembre 2018 après avoir obtenu une exemption à l’embargo de l’ONU. Quelques mois auparavant, la Russie avait opéré une entrée remarquée dans cet ancien « pré carré » français en livrant des armes aux Faca début 2018 et en y installant un important contingent d’« instructeurs ». Une arrivée accompagnée d’une virulente campagne de désinformation antifrançaise. En décembre 2020, quelques jours seulement après la création de la Coalition des Patriotes pour le Cghangement « CPC » regroupant les principaux groupes armés signataires de l’accord de paix de Khartoum du 6 février 2019, la Russie a dépêché d’urgence des centaines de paramilitaires au secours de l’armée démunie du président Faustin Archange Touadéra, dont le fauteuil était directement menacé par cette rébellion.

Quoique de nombreux témoins et des ONG aient assuré que ces paramilitaires sont des combattants du groupe de sécurité privé russe Wagner, Bangui et Moscou ont nié ces révélations. En juin 2021, le masque tombe. Selon le rapport du groupe des experts de l’Onu, ces paramilitaires ne sont pas des instructeurs mais plutôt des mercenaires recrutés par Evgueni Prigojine et de nationalités syriennes, albanaises, roumaines, tchétchènes, libyennes, afghans, et russes qui ont perpétré des actes de graves atteintes aux droits humains, des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, après l’attaque de la ville de Bangui le 13 janvier 2021 et au lendemain de leurs déploiements dans les zones naguère sous contrôle des combattants de la CPC.

C’est dans ce contexte que dans un entretien accordé à Mediapart, la ministre centrafricaine des affaires étrangères Sylvie Baïpo-Temon a regretté cette relation compliquée, a invité les autorités françaises à « s’asseoir pour discuter » franchement des dossiers brûlants, et a tenté de répondre à certaines questions posées par la présence militaire russe dans son pays. Si « le sort de la mission logistique française à Bangui (MISLOG-B), dernier avatar de la présence militaire française en République centrafricaine, semble incertain », alors que sa fermeture était annoncée pour fin août 2022, « ni l’Elysée, ni l’état-major des armées, ni le cabinet du ministère des Armées ne souhaitent s’exprimer sur le sujet – que ce soit pour confirmer ou démentir cette fermeture ». Est – ce à dire que la France retarderait l’application de cette décision pour des raisons inavouées ? Il nous serait difficile de répondre à cette interrogation. Toutefois, ce n’est un secret pour personne que c’est l’Etat centrafricain qui se trouve dans l’urgentissime obligation de renouer avec la France et non le contraire, car prendre langue avec la France, c’est reprendre les relations interrompues entretemps avec l’Ue, le FMI, la BM et les partenaires techniques financiers internationaux, d’une part, et briser l’isolement diplomatique, d’autre part.

Mais pour ce faire, l’Imposteur de Bangui doit remplir certaines conditions minima : accepter de discuter avec l’opposition démocratique, toutes les forces vives de la nation, les groupes armés y compris, mettre un terme à sa politique de désinformation en procédant à l’arrestation de tous les auteurs et complices des discours de haine et de violence contre la France, ses ressortissants et ses intérêts stratégiques et in fine rompre toute coopération avec les mercenaires du Groupe Wagner et rwandais sans préjudice de poursuites judiciaires contre tous les responsables des actes de graves atteintes aux droits humains, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés contre les populations civiles, lors des opérations de reconquête des zones jadis sous contrôle des rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement « CPC ».

Accepterait – il de déférer à ces injonctions ? Rien n’est moins sûr. Pour la simple raison qu’il est entièrement pris en otage par ses nouveaux maîtres venus des anciennes républiques socialistes soviétiques. Le faire, donc, c’est courir le gros risque de scier la branche d’arbre sur laquelle il est assis. Ne pas le faire, c’est exposer de manière inévitable l’Etat centrafricain à des fortes tensions de trésorerie, à des arriérés de salaires et à de très probables soulèvements populaires.

La Rédaction

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