
Lors du conclave de Paris du 25 septembre 2023, au cours duquel l’ensemble des forces politiques et sociales, très attachés aux valeurs de la démocratie et de l’Etat de droit ont solennellement et unanimement affirmé qu’ils ne reconnaissent pas la Constitution du 30 août 2023 qui en sont issues ou en seront issues, que le régime actuel est illégal et illégitime et qu’il n’y a d’autre alternative compte tenu du verrouillage de toutes les institutions et de la mise en œuvre d’une politique de répression systématique et des forces politiques et sociales et des citoyens, que de lutter résolument et de manière concertée pour le rétablissement pour une démocratie véritable, un leader d’un parti politique de l’opposition démocratique, membre éminent du BRDC dont la parole ne souffre d’aucune quelconque contestation, a pris la parole pour informer l’assistance de l’audience accordée par le nouvel ambassadeur de France Bruno Foucher à deux hauts responsables à Bangui, parlant ainsi, dans les divers, de la posture antidémocratique de la communauté internationale, au lendemain du coup d’état constitutionnel opéré par l’Imposteur de Bangui.
Selon ce dernier, l’ordre du jour de la rencontre portait essentiellement sur l’acceptation par les partis politiques de l’opposition démocratique regroupés au sein de la plate-forme politique dénommée « Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution » d’un dialogue avec le pouvoir manifestement illégal et illégitime de Bangui et leur éventuelle participation aux prochaines élections locales. Tout comme, ils l’ont dit de vives voix à l’ambassadeur de l’Ue Douglas Carpenter quelques jours plus tôt, Me Crépin Mboli – Goumba et M. Mahamat Kamoun ont purement et simplement décliné cette offre.
Si nous avons fait de cette information un vrai cheval de bataille pour rappeler au diplomate des 27 Etats membres de l’Ue, dans un article intitulé : « Centrafrique : la convocation de Me Mboli – Goumba et de Mahamat Kamoun du BRDC par l’ambassadeur de l’Ue Douglas Carpenter : une insulte de trop ! », publié le 26 septembre 2023, le respect des valeurs de démocratie, de dignité humaine, de liberté, de justice, de l’Etat de droit et des droits de l’homme, énoncées à l’article 2 du Traité de Lisbonne et dans la charte des droits fondamentaux de l’Ue, c’est pour la simple raison que la République centrafricaine est un Etat démocratique, depuis août 1993. Une valeur et un mode de gouvernance chèrement acquis et dont la violation exige sanctions et réparations. Pour preuve, l’Ue avait suspendu toute coopération avec le Togo pour « déficit démocratique », suite à l’élection présidentielle du 1er juin 2003 contestée par les partis politiques de l’opposition et avait justifié ses sanctions par le fait que le code électoral ait été modifié par le pouvoir pendant la partie, favorisant ainsi un seul candidat, le général Eyadéma.
De ce fait, l’Ue qui avait financé les élections groupées du 27 décembre 2020, à hauteur de 15.5 millions d’euros, fort malheureusement marquées par des actes de graves irrégularités, à l’issue desquelles le Candidat Touadéra avait été déclaré élu par l’ANE par seulement 17% du corps électoral et desquelles plus de 300.000 Centrafricains avaient été délibérément exclus, se devait d’user de toutes les voies diplomatiques pour condamner vigoureusement l’absence de tout critère de crédibilité, d’inclusivité, de transparence, de responsabilité, de liberté, de justice, de régularité ayant caractérisé le processus. Mais, au lieu de cela, non seulement nous avons assisté à la nomination de celle qui avait laissé faire comme chef de la délégation de l’Ue au Nigéria et auprès de la Cedeao en septembre 2021, ce qui passe pour une haute promotion pour « loyaux services rendus », mais surtout son successeur a décidé de marcher sur ses traces.
Si ce réchauffement diplomatique ou cet activisme trop effréné du diplomate Douglas Carpenter peut paraître surprenant pour des néophytes, pour les professionnels des relations internationales, par contre, cela s’explique tout simplement par le seul fait que ce sont les intérêts qui guident et orientent toute coopération entre Etats. Et en l’espèce, les intérêts du peuple centrafricain qui dénie toute autorité légale et légitime à Touadéra, qui ne reconnaît pas sa fameuse constitution du 30 août 2023 et qui exige son départ pour avoir opéré un véritable coup d’état constitutionnel, sont contraires à ce que veulent les Etats – Unis, l’Ue, la France et la communauté internationale. Pour eux, avec le soutien des mercenaires du Groupe Wagner et rwandais qui ont réussi à repousser les rebelles, l’Imposteur de Bangui représente la stabilité, celui avec qui ils peuvent faire des affaires. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont à la manœuvre afin de convaincre l’opposition démocratique à discuter avec lui et à participer aux prochaines élections locales. Ils n’en ont que cure de nos luttes pour la démocratie, la liberté, la dignité humaine et la justice pour les milliers des victimes du Groupe Wagner et des Rwandais. C’est cette mission qui est confiée au nouvel ambassadeur français Bruno Foucher et qui a justifié la présence du criminel de Bangui à Paris, il n’y a pas longtemps.
En effet, pour ceux qui l’ignorent encore, le chef de mission diplomatique de la France est là pour aider son pays à changer sa politique et à reconfigurer sa stratégie d’actions en RCA. Cela passe par une reconstruction méthodique des rapports entre les deux pays, devenus exécrables ces dernières années du fait de la montée du rejet de la politique française. Sur le plan économique, la France reste et demeure le principal fournisseur du pays. À ce titre, le nouvel ambassadeur devra travailler à renforcer les liens commerciaux des deux pays en chute, après pourtant une remontée en 2017-2018, et surtout à convaincre les entreprises françaises à non seulement investir dans le pays mais également à y rester. C’est ce à quoi s’attèle activement Bruno Foucher.
Mais, ce faisant, il joue à un jeu très dangereux pour la survie de la Démocratie centrafricaine chèrement acquise, et court le risque d’être contraint de quitter un jour la République centrafricaine, sur la pointe des orteils. Car, c’est depuis les années 90 que les Centrafricains ont opté pour la gouvernance démocratique, qu’ils se souviennent constamment des deux ordonnances signées le 28 août 1993 par le général d’armée André Kolingba visant à retarder le processus électoral, et qu’ils n’oublieront jamais la réaction de la France. Une réaction immédiate qui a été édictée ainsi qu’il suit :
« La France condamne les mesures prises par le Président Kolingba modifiant par ordonnances le code électoral et pouvant conduire à une remise en cause du scrutin du 22 août 1993. Ces mesures constituent un véritable coup d’état que la France ne peut que dénoncer. Le gouvernement français sera amené à tirer toutes les conséquences de cette action. Dans un premier temps, il a décidé de suspendre sa coopération avec la RCA ». Fin de citation. Un deuxième communiqué a été publié à 12 heures 30 dans les termes suivants : Début de citation : « La France vient d’annoncer la suspension de sa coopération avec la RCA à la suite de l’annonce des décisions du Président Kolingba de publier deux ordonnances pouvant conduire à une remise en cause du processus démocratique dans son pays, notamment les élections du 22 août. Celles-ci s’étaient déroulées de façon satisfaisante selon tous les observateurs. Aujourd’hui, le Haut représentant de la France à Bangui a eu un entretien avec le Président Kolingba pour lui redire la détermination de la France de voir le processus démocratique se poursuivre et notre souhait que les résultats des élections du 22 août soient annoncés dans les délais prévus (30 août avant minuit). Notre coopération avec la RCA ne pourra être rétablie que si ce processus reprend son délai ». Un troisième communiqué a été publié à 22H30. « La France prend note avec satisfaction des déclarations du Président Kolingba. Elle souhaite que tous les responsables centrafricains continuent de faire preuve de sagesse et de modération pour permettre au processus électoral en cours de se dérouler sans entrave jusqu’à son terme ».
Fort de tout ce qui précède, pourquoi l’ambassadeur Bruno Foucher et son collègue de l’Ue Douglas Carpenter veulent – ils organiser coûte que coûte une rencontre entre le pouvoir de Bangui et les forces vives de la nation ? Pourquoi, au Mali, en Guinée, au Burkina, au Niger et au Gabon, des sanctions très fermes ont – elles été prononcées ? Et pourquoi une exception doit – elle être accordée à un certain Touadéra ? Quelle différence existe – il entre un coup d’état militaire et un coup d’état constitutionnel ? En agissant de la sorte, cet ambassadeur ne va – t – il pas contribuer à augmenter l’inconséquence de cette politique du deux poids deux mesures de l’Hexagone qui révolte aujourd’hui la jeunesse africaine en manque de perspectives et à la conscience de plus en plus éveillée ? En d’autres termes, cette politique d’hypocrisie de l’Occident qui l’a vu souvent s’accoquiner avec des présidents mal élus, des dictateurs de la pire espèce que des grandes puissances occidentales ont parfois travaillé à maintenir au forceps au pouvoir pour servir beaucoup plus, leurs intérêts et ceux de ces satrapes que ceux de leurs propres peuples, qui est aujourd’hui décriée par une jeunesse africaine de plus en plus consciente de son rôle et de sa force, en va – t – elle pas se retourner contre lui et son pays, en Centrafrique ?
Dans tous les cas, forcer l’opposition centrafricaine à discuter avec le criminel et le putschiste Touadéra, en compensation d’intérêts économiques et au détriment de la démocratie, de la dignité humaine, de l’état de droit et du respect des droits de l’homme est un deal inacceptable pour le peuple centrafricain et toutes les forces vives de la nation qui n’attendent de la France et des Grandes Démocraties Occidentales que la condamnation très ferme du coup d’état constitutionnel du 30 août 2023, le départ sans condition de son auteur et le retour à l’ordre constitutionnel dans un délai relativement court ! Le contraire serait un acte de haute trahison quel que soit son auteur.
Jean – Paul Naïba