Centrafrique : « Feuille de route de Luanda »: les montants de l’argent perçu par les leaders de la CPC révélés par un rapport du Groupe d’Experts de l’Onu

 

Mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation et de la feuille de route de Luanda

Difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation et de la feuille de route de Luanda

Dans son rapport final daté de mai 2023, le Groupe d’experts a rappelé qu’un examen stratégique organisé par le Gouvernement le 4 juin 2022 (voir S/2022/527, par. 18) avait permis de conclure que la feuille de route de Luanda et l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en Répu blique centrafricaine seraient « mutualisés dans un seul processus de paix conjoint ». Malgré cette initiative, les dirigeants de la société civile ont régulièrement fait état d’un manque de clarté quant aux liens entre les deux processus de paix.

 

La MINUSCA a relancé l’initiative susmentionnée pour appuyer les réunions des comités de mise en œuvre préfectoraux en 2023. Au début de 2024, ces comités ont repris certaines de leurs réunions et de leurs activités de sensibilisation afin d’expliquer la teneur de la feuille de route de Luanda pour la paix.

Les représentants des groupes armés signataires de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, tels que Retour, réclamation et réhabilitation (3 R), l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) et le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), ont été largement absents des réunions des comités de mise en œuvre préfectoraux. Ces groupes sont toujours membres de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) et sont engagés dans des hostilités ouvertes contre le Gouvernement centrafricain. En outre, depuis avril 2023, plusieurs d’entre eux ont proclamé leur dissolution officielle ou se sont transformés en partis politiques, certains comme suite à une scission interne. Parmi ces derniers figurent la Séléka rénovée pour la paix et la justice, le groupe Révolution et justice -faction Belanga, la branche du FPRC dirigée par Abdoulaye Hissène (Cfi.012) , qui est visé par des sanctions, le Front démocratique du peuple centrafricain, dirigé par Jean Rock Sobi, et le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC), dirigé par Hassan
Adramane.

L’éclatement de ces groupes signifie dans les faits que, bien que certaines factions d’un groupe en particulier se soient engagées de nouveau à appliquer l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, d’autres restent en marge de l’Accord, comme indiqué dans les précédents rapports du Groupe d’experts (voir S/2022/527, par. 18).

Membres de la Coalition des patriotes pour le changement condamnés par défaut en septembre 2023

La feuille de route conjointe pour la paix en République centrafricaine (feuille de route de Luanda), issue de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et signée en septembre 20217, visait à relancer le processus de paix et à accélérer la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation. Le 21 septembre 2023, cinq membres de la CPC et dirigeants de l’opposition politique ont été condamnés par défaut par la Cour d’appel de Bangui.  François Bozizé (CFi.001), Ali Darassa (CFi.015) et Nourredine Adam
(CFi.002), tous trois visés par des sanctions, ainsi que Mahamat Al -Khatim et Sembé
Bobbo, ont été condamnés par défaut aux travaux forcés à perpétuité pour conspiration contre l’État et sédition en raison de leur rôle actif dans la CPC.

Suspension des allocations versées aux chefs de groupes armés à N’Djamena

Comme indiqué dans le rapport final du Groupe d’experts de mai 2023 (voir S/2023/360, par. 40 à 42), la feuille de route de Luanda prévoyait le versement d’allocations aux chefs de groupes armés exilés à N’Djamena, un tel versement pouvant dans certains cas constituer une violation des mesures de sanction. Les chefs en exil étaient Sembé Bobbo (3 R), Mahamat al-Khatim (MPC), Igor Lamaka (aile Ngaïssona des anti-balaka)9, Maxime Mokom10, François Bozizé et Bernard Bonda (chef de cabinet de Bozizé, aile Mokom des anti-balaka), ainsi que les porte-parole de la CPC Abakar Sabone 11 et Ousmanou Mohamadou(de l’UPC, bien que le groupe n’ait pas encore signé la feuille de route de Luanda).

Comme indiqué également dans le rapport de mai 2023 (ibid., par. 33 à 39), les versements convenus avec les groupes armés signataires de la feuille de route de Luanda ont été bloqués par l’Agence nationale de sécurité du Tchad. Le Groupe d’experts enquête sur cette question et communiquera de plus amples informations au Comité dans ses prochains rapports. Les chefs de groupes armés en exil devaient recevoir les sommes mentionnées à l’annexe 3 du présent rapport. Les bénéficiaires eux-mêmes ont déclaré que les versements étaient bloqués par l’Agence nationale de sécurité du Tchad. En avril 2024, tous les dirigeants des groupes armés centrafricains de l’opposition établis au Tchad semblaient subir des pressions de la part du Gouvernement. Mahamat Al-Khatim et Abakar Sabone ont été arrêtés, et Sembé Bobbo aurait fui à Mondo. D’autres cherchent également à quitter N’Djamena.

Dans le même temps, les liens avec les groupes armés peuls en République centrafricaine sont essentiels pour faciliter la transhumance (les déplacements de troupeaux de bétail) du Tchad vers la République centrafricaine.

L’une des premières arrestations notables au Tchad a été celle de Maxime Mokom. Plus récemment, le 11 avril 2024, Mahamat Al-Khatim et Abakar Sabone ont également été arrêtés par l’Agence nationale de sécurité du Tchad. Les forces de sécurité tchadiennes ont convoqué ces deux chefs de groupes armés à une réunion et envoyé un chauffeur les chercher. Tous deux étaient habituées à assister à de telles réunions dans le contexte des versements prévus dans le plan de paix de Luanda et s’étaient de fait vu promettre la reprise des paiements sous une forme ou une autre pour leur permettre de financer l’organisation des fêtes de l’Aïd. Cette fois, ils ont été arrêtés lors de la réunion tenue dans le bâtiment de l’Agence nationale de sécurité.

Au moment de l’établissement du présent rapport, les deux hommes se trouvaient toujours en détention.

Annexe 3

Paiements reçus et dus aux dirigeants du CPC exilés à N’Djamena

Source confidentielle.

Extrait d’un document remis au gouvernement tchadien par les PCC exilés dans le cadre de leur réclamation des indemnités journalières qui leur sont dues. Les sommes perçues pour François Bozizé et Igor Lamaka n’ont pas été divulguées par les rédacteurs du document.

Source : Rapport du Groupe d’Experts de l’Onu du 5 juin 2024

 



        

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