Centrafrique : Cérémonie du 10 juillet 2025 : le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga partira ou partira pas ?

 

Ce jeudi 10 juillet 2025, se tiendra dans la capitale centrafricaine une énième cérémonie d’Accord de Paix entre Monsieur Faustin-Archange Touadéra et deux chefs de guerre Ali Darassa et Bobo Sembé, respectivement leader de l’UPC et représentant du Mouvement 3R. De nationalité nigerienne et tchadienne, ne sachant parler Sango et Français, ni lire, ni écrire, ils se sont rendus responsables et coupables de nombreuses atrocités, de crimes de sang et de crimes économiques.

 

Leurs factions étaient parties prenantes à l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA), signé le 6 février 2019 à Bangui par le Gouvernement centrafricain et 14 groupes armés, à la suite de pourparlers menés à Khartoum du 24 janvier au 5 février 2019, sous les auspices de l’Union africaine (UA) et l’appui des Nations unies (ONU).

 

Si le gouvernement n’a cessé et ne cesse de clamer haut et fort que bien d’avancées ont été enregistrées, parmi lesquels la formation d’un gouvernement inclusif, la mise en place du comité mixte de sécurité, le lancement des travaux du Comité exécutif de suivi de l’Accord, l’organisation d’un séminaire gouvernemental sur la consultation populaire nationale sur la mise en place de la ‘Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation (CVJRR), la paix, la circulation des biens et des personnes et la quiétude nationale n’ont jamais été au rendez-vous. Pour la simple raison que le deal relatif au poste de premier ministre a été délibérément violé par Monsieur Faustin-Archange Touadéra et son ami Firmin Ngrébada.

 

C’est pourquoi, le leader du FDPC, le général Martin Koumta – Madji alias Abdoulaye Miskine a catégoriquement refusé de se rendre à Bangui pour occuper ses fonctions de ministre de la modernisation de l’administration et de l’Innovation des services publics, préférant au passage un poste d’officier militaire supérieur. Pour montrer sa colère, en juin 2019, il a décidé de retourner en République centrafricaine après cinq ans de séjour à Brazzaville et s’est rendu à Am Dafok, où il a menacé officiellement de renverser Faustin-Archange Touadéra.

 

Après avoir ordonné à ses éléments de bloquer temporairement le corridor Bangui – Garouamboulaï – Douala, Abdoulaye Miskine tentera plus tard de recruter des combattants pour lutter contre le gouvernement. En application d’un mandat d’arrêt émis à son encontre le 3 août 2019, il sera arrêté, à son arrivée à Harare Mangueigne, au Tchad, le 19 novembre 2019, par les autorités tchadiennes. En dépit de plusieurs chefs d’accusations, sa responsabilité n’a jamais été prouvée. Malade, ses avocats exigent depuis lors sa relaxe.

 

A l’exemple du général Martin Koumta – Madji et ses éléments dont certains seront arrêtés au lendemain des attaques de la CPC du 13 janvier 2021, tous les principaux seigneurs de guerre et signataires de l’accord de Paix de Khartoum, à savoir Noureddine Adam du FPRC, Ali Darassa de l’UPC, Mahamat Al-Khatim du MPC, les Antibalakas de l’aile Mokom, les Antibalakas de l’aile Ngaïssona ont décidé de suivre l’ex-président François Bozizé, en disgrâce avec le pouvoir Bangui, suite à l’invalidation de sa candidature à la présidentielle de décembre 2020.

 

C’est dans cette foulée que l’accord de Kamba-Kota fut signé, consacrant ainsi la naissance de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Cette Coalition finira par donner du fil à retordre à l’Accord du 6 février 2019, appelé encore Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR), considéré comme le seul cadre de paix par les autorités de Bangui. La CPC parviendra à mener plusieurs offensives à travers le pays, allant jusqu’à perturber les élections de 2020, menacer la ville de Bangui et bloquer le corridor pendant quelques jours.

 

Si, grâce aux négociations de la Ceeac et de la CIRGL, d’une part, et d’autre part, à des fortes sommes d’argent octroyées par MonsieurFaustin-Archange Touadéra et son homologue angolais João Lourenço, de semblants de paix ont pu être observés, suite à l’Accord politique de Luanda, les déploiements des mercenaires du Groupe Wagner et rwandais dans les régions jadis occupées par les rebelles contribueront plus à créer de foyers de guérillas et de mouvements de résistance qu’à rétablir véritablement la paix, la sécurité et la réconciliation nationale.

 

Pis, ces mercenaires sont accusés de graves atrocités, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de pillages des ressources naturelles. Ils n’ont aucune notion de responsabilité, de loyauté, de formation, de discipline et de l’environnement du conflit et ne sont motivés que par la recherche inouïe des gains financiers, la conquête des chantiers miniers et l’exploitation illégale des ressources.

 

C’est dans ce contexte que sont intervenues les dernières signatures d’accord de paix entre le gouvernement centrafricain et ces deux groupes armés dont les responsables sont tous aussi des mercenaires, tchadien et nigérien. Comme leurs homologues Wagnériens et rwandais, ils ont également commis de graves exactions, des crimes de guerre, des abus sexuels, des incendies des habitations et des greniers, des enlèvements, des tortures, des assassinats, des tueries de masse à l’exemple de celle commise par les éléments du Mouvement 3R à Paoua en mai 2019 où plus d’une cinquantaine de civils ont été ligotés et froidement abattus d’une balle dans la tête, et comme dans les préfectures de la Ouaka et de la Basse-Kotto où deux (02) prêtres Joseph Désiré Angbabata, le 22 mars 2018 à Séko, et Célestin Ngoumbango, le 15 novembre 2018, et deux (02) vicaires généraux l’abbé Firmin Gbagoua et Mgr Mada Blaise, respectivement le 29 juin 2018 à Bambari et le 15 novembre 2018 à Alindao, ont été assassinés par les éléments de l’UPC de Ali Darassa et Hassan Bouba.

Le jeudi 10 juillet 2025, se déroulera à Bangui la cérémonie de validation de ces accords entre le gouvernement centrafricain et ces deux étrangers, à laquelle prendront part tous les corps constitués de l’Etat, des représentants de la plate-forme religieuse, des diplomates, etc…Comme leader de la plate-forme religieuse, le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga devra y participer, conformément à la lettre d’invitation en circulation sur les réseaux sociaux. Y répondra – t – il ? Ou décidera – t – il de ne pas s’y rendre pour ne pas avoir à serrer in fine les mains de celui dont les éléments ont tué froidement ses prêtres dans leur presbytère et dans l’évêché, certains à bout portant, d’autres enlevés, violentés, torturés, charcutés et enfumés ?

Cette question soulève tout naturellement des considérations éthiques et morales complexes. Si certaines voix s’élèvent pour affirmer et soutenir que le cardinal, en tant que représentant de l’Église catholique, devra être présent à cette cérémonie et serrer la main de ces deux criminels, en signe de message symbolique, de pardon, d’absolution, de réconciliation nationale et pour marquer son engagement en faveur de la paix et de la sécurité et sa détermination à marcher sur les traces d’un certain Jésus – Christ, la majorité des Centrafricains, par contre, ne veulent pas qu’il participe à cette mascarade, tout simplement pour exprimer sa sensibilité et son attachement à la justice, compte tenu de la gravité des actes commis et maintenir la position officielle de condamnation par l’Église catholique de ces actes violents et en signe de respect pour les victimes.

Pour ces derniers, les intentions derrière cette énième rencontre spectaculaire au nom de la paix n’étant pas sincères, réfléchies, positives et inclusives, sa présence ne sera qu’un appui de trop à un ravalement de façade et perçue in fine comme une légitimation ou une minimisation des actes criminels commis, donc contre-productive, irresponsable voire coupable.

D’après notre ligne éditoriale, la voix de la justice, celle de tous les sans – voix, le porte – voix des résistants, des démocrates, et des légalistes et l’avocat d’office de tous les prisonniers, nous ne pouvons qu’être du côté de la majorité des Centrafricains qui refusent que le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga ne puisse cautionner moralement cette grande hypocrisie. De ce fait, non seulement sa participation à cette cérémonie sera considérée comme un acte de complicité, mais surtout elle sera interprétée comme un acte de profanation et d’atteinte morale à la mémoire des quatre (04) religieux, victimes des mercenaires de l’UPC de Ali Darassa, de surcroît lâchement tués dans leur presbytère et dans l’exercice de leurs fonctions sacerdotales.

En effet, si la laïcité prônée par la majorité des Etats modernes cantonne la pratique de la religion à la sphère privée, le prélat reste un électeur, un civil, un paysan, un commerçant, un fonctionnaire, un étudiant, un élève, un retraité, un enseignant, un infirmier, un prêtre et une religieuse. En bref, un citoyen dont la bouche, singulièrement en Afrique, porte rarement des caleçons lorsqu’il s’agit, tantôt de parler cru aux tenants des régimes en place, tantôt de les caresser dans le sens du poil. Du cardinal burkinabè feu Paul Zoungrana à l’évêque togolais feu Dosseh Anyroh, en passant par le célébrissime archevêque sud-africain feu Desmond Tutu et actuellement le Cardinal Sarah du Nigeria, ce sont les dignitaires chrétiens qui s’imposent comme défenseurs acharnés de tout un peuple et qui tiennent souvent le haut du pavé d’un prêchi-prêcha « politique apolitique », pour le meilleur ou pour le pire.

A moins que le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga n’ait accepté de faire de tous les Centrafricains des captifs devant assister aux triomphes de César ? Dans l’affirmative, que sait-on du triomphe de César, au cours duquel Vercingétorix était présent ?

Le triomphe, pour finir, est une cérémonie qui autorise un général romain ayant remporté une campagne militaire à monter sur la colline du Capitole pour remercier Jupiter pour sa protection. Les sources donnent quelques détails, mais, pour l’essentiel, notre connaissance du déroulement du triomphe romain sous la République repose sur la description que Plutarque fait du triomphe de Paul Émile, célébré en 167 av. J.-C. après la victoire contre le royaume de Macédoine. On reconstitue donc le déroulement du triomphe de César en ayant recourt à l’analogie.

Le triomphateur défile dans la ville de Rome à la tête d’un cortège qui rassemble ses troupes, les captifs les plus illustres de la campagne, ainsi que les richesses prises à l’ennemi : il montre ainsi aux citoyens de Rome l’ampleur et l’éclat de sa victoire, dont il en tire un prestige immense. Le triomphateur revêt à cette occasion le costume de Jupiter, une robe pourpre brodée d’or, et il parade sur un quadrige, en tenant dans sa main une palme symbolisant la victoire. Un esclave tient une couronne de laurier en or au-dessus de sa tête en lui répétant : « souviens-toi que tu es un homme » (hominem te memento), afin qu’il ne cède pas à la tentation de se prendre pour un dieu.

Lors de la dernière partie du triomphe, le cortège emprunte la via sacra, qui traverse le forum, et il fait une halte au pied de la colline du Capitole, le cliuus Capitolinus. À ce moment précis, les captifs sont conduits vers les latomies et l’imperator décide s’ils seront exécutés ou gardés en captivité. Le triomphateur entame alors l’ascension de la colline, vers le temple de Jupiter Capitolin.

Pourquoi alors faire de nous de nouveaux captifs ? Par son sang coulé sur la croix, après les supplices de la trahison, des flagellations, des moqueries des gardes, de la crucifixion, de la couronne des épines et du jet de la lance, et par sa victoire sur la mort, Jésus ne nous avait – il pas définitivement libéré du joug du Satan ?

Pourquoi alors voudra – t – il en se rendant à ce spectacle burlesque nous imposer un autre Jardin de Gethsémani ?

 

Maïgaro Infos

 

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