Centrafrique : Après la condamnation coûte que coûte de Meckassoua, à qui le prochain ?

 

Le 17 janvier dernier, Abdou Karim Meckassoua, ancien président de l’Assemblée Nationale, opposant, président du mouvement Chemin de l’Espérance, a été condamné dans une procédure par contumace par la Cour criminelle de Bangui malgré un double recours de ses avocats.

Dans le cadre de session criminelle ouverte en décembre dernier, M. Abdou Karim Meckassoua a été placé dans le rôle de la Cour criminelle pour être jugé par contumace. Cependant ses avocats entretemps ont introduit deux recours successifs, avec effet suspensif, c’est-à-dire que le procès ne devait pas avoir lieu tant que les recours, introduits à la Cour d’appel et à la Cassation ne sont pas vidés. Ce, conformément au Code de procédure pénale en vigueur. Mais le Doyen des juges d’instruction n’a pas daigné répondre et la Cour criminelle a comme reçu un feu vert pour le monologue judiciaire.

Dans un procès expéditif, cet opposant parti en exil depuis 2021, a été condamné aux travaux forcés à perpétuité, ses biens déclarés confisqués et, pour la plaisanterie de mau-
vais goût, un appel à témoin pour dénoncer le lieu où se cacherait l’opposant, alors que l’ambassadeur de la RCA est clairement mieux placé pour signaler que le fugitif vit en
France.

Le procès contre Meckassoua, qui apparait visiblement comme un procès hautement politique, n’a rien d’étonnant, il s’inscrit dans la logique d’une chasse aux sorcières déclenchée contre tous les opposants au régime en place avec le processus référendaire qui a abouti à l’avènement d’une nouvelle République taillée sur la mesure du président Faus-
tin Archange Touadéra. L’atypique conseiller spécial du président de la République, Fidèle Ngouandjika, l’avait annoncé dans l’une de ses sorties sur sa page Facebook, qu’un
procès contre un opposant allait être ouvert très rapidement.

Mais qui est ce Conseiller spécial pour avoir la primeur d’une information judiciaire délicate alors que le premier recours des avocats de la défense venait à peine d’être introduit ? Question en réalité délicate mais qui dans le fait apparait comme banale dans la mesure où en Centrafrique la justice a perdu de sa sacralité depuis des lustres, mais la déconfiture s’est accélérée avec le régime des professeurs, cette justice que l’on attendait pour réprimer les innombrables détourneurs de deniers publics et autres corrupteurs
et corrompus, semble s’ériger en syndicat ou plutôt en instrument de répression politique contre les opposants. La preuve est encore fraiche, le député Dominique Yandoka, qui croupit en prison pour un prétendu projet de coup d’Etat. Mais quel coup d’Etat, il n’y a que ce seul opposant, élu du 4ème arrondissement 1, qui va l’organiser, le financer et l’exécuter!

D’ailleurs nul besoin d’aller loin pour comprendre ce qui se passe, un proche du parti au pouvoir a écrit à un proche du Député martyr en indiquant que Dominique Yandoka devait
être sacrifier pour faire peur aux autres poids lourds de l’opposition. Ainsi outre Dominique Yandoka qui est déjà en prison, attendant que la mise en scène soit terminée pour son
procès à tout prix, il se pose la question de savoir à qui le prochain.

Ils sont là, Martin Ziguélé, du MLPC, Anicet Georges Dologuélé de l’URCA, Crépin Mboli-Goumba du PATRIE, sans compter les exilés Mandata Nguerekata et bien d’autres. N’oublions pas que certains ont d’ores et déjà été condamnés : François Bozizé –   logiquement –pour sa rébellion de la CPC, en compagnie d’autres leaders des groupes armés membres de cette coalition rebelle, mais aussi des compatriotes tels que Louis Firmin Kongoubé, Landry Kokama…

A qui le prochain, une question qui se pose au regard du rouleau compresseur en mouvement et pour faire le lit à un troisième mandat sans bavure. Comme on le sait, Faustin Archange Touadéra a mis beaucoup d’argent en jeu pour obtenir le changement de la Constitution, il a déjà beaucoup trop sacrifié pour ne pas échouer en fin de compte, s’il doit avoir affaire aux opposants si lourds ci-haut cités.

Prince Coh

LE DEMOCRATE N°5561 du 22–01-2024

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