Arrêté le 29 octobre 2018, pour avoir usé de son pistolet automatique dans l’hémicycle lors de la plénière générale portant sur la destitution de M. Abdoul Karim Méckassoua de son poste de président de l’assemblée nationale, et finalement transféré dans le brouillard des évènements à la CPI, le samedi 17 novembre 2018, le député Yékatom Rambhot ne bénéficie plus de son salaire, depuis fin novembre.
Et pourtant, présumé innocent jusqu’à la délibération de la décision des juges relative à sa condamnation, la loi l’autorise à y avoir accès. Mais hélas, comme nous sommes en République centrafricaine, « le pays de tous les paradoxes et de tous les records négatifs », dixit feu Me Zarambaud Assingambi, le bureau actuel de l’assemblée nationale a décidé de suspendre non pas le mandatement de son salaire, c’est – à – dire son engagement par les services comptables financiers, mais plutôt son versement à qui de droit, directement sur son compte ou à ses mandataires, aux fins de subvenir aux besoins de sa famille. Un acte qui s’appelle tout simplement détournement, c’est – à – dire l’affectation d’un crédit ou d’une dépense régulièrement engagée à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été prévue.
Quel cynisme ! Non tantum, ils ont vendu leurs âmes au pouvoir en place pour de l’argent et de postes de responsabilités et ont tourné le dos à leur parti politique et à leurs électeurs, sed etiam, ils n’ont cessé depuis la mise en place du bureau actuel de se montrer de plus en plus rebelles à leurs engagements et à leurs responsabilités en tant qu’élus de nation, d’apparaître in dies singulos plus masochistes et plus cyniques que jamais et d’avoir sans aucun gêne une propension inouïe à la politique du deux poids deux mesures. En est la plus belle illustration, et en comparaison avec ce qui concerne l’embargo décrété par le bureau contre le versement régulier du salaire du député Yékatom à ses mandataires, l’affaire To-Sha-Be-Nzah !
C’est le journal « Mondafrique » qui l’a révélée dans sa publication du 13 septembre 2018, en ces termes :
» Par un arrêt du 12 septembre 2018, la Cour de cassation de Paris a rejeté le pourvoi de Léon Bertrand, maire de Saint-Laurent de Maroni, en Guyane. La Haute juridiction confirme donc l’arrêt du 7 mars 2017 de Basse-Terre en Guadeloupe condamnant l’ancien ministre de Jacques Chirac à trois ans de prison ferme et son âme damnée, le Centrafricano-Français Augustin To-Sah-Be-Nzah (Tossa-Benza en Centrafrique), à deux ans de prison dont un avec sursis.
Rappelons que l’affaire dite des » pots-de-vin et marchés truqués », datant de 2003-2004, de la Communauté de communes de l’ouest de la Guyane (CCOG), impliquant Léon Bertrand, et son ex. directeur général des services, le Centrafricano-Français Augustin To-Sah-Be-Nzah, a déjà fait l’objet de plusieurs décisions de justice frappées d’appel puis de cassation.
Jours tranquilles pour Augustin To-Sah-Be-Nzah
Leur culpabilité pour « corruption et favoritisme » était déjà reconnue comme définitive. Dans son arrêt du 12 septembre 2018, la Cour de Cassation confirme les condamnations prononcées par la Cour d’Appel de Basse-Terre. Léon Bertrand est notamment condamné à 3 ans de prison ferme et sera prochainement incarcéré.
Quant au Centrafricano-Français Augustin To-Sah-Be-Nzah, il coule des jours heureux et prodigue ses conseils de bonne gouvernance financière à Bangui, dans un État réputé pour être l’un des plus corrompus et des plus mal gérés de la planète. Augustin To-Sah-Be- Nzah a été élu député en 2016 et il est désormais le questeur d’une Assemblée nationale en pleine turpitude financière, où les détournements de fonds, les querelles politiques alimentant les faits divers sont ses principales activités. Rappelons que l’honorable député centrafricain a été condamné par la Cour d’Appel de Basse-Terre à 24 mois de prison dont 12 mois avec sursis et 30 000 euros d’amende. Il lui sera donc difficile de revenir en France qui, il est vrai, n’est plus actuellement une destination privilégiée ».
Après lecture de cet article, que disent M. Ngon Baba, juriste de formation, fonctionnaire de l’Etat et plusieurs fois ancien ministre de la République, et les députés de la nation, du traitement spécifique dont jouit de leur part le député To-Sha-Be-Nzah Augustin, condamné pour une affaire de détournements, mais qui continue de percevoir mensuellement son salaire comme si de rien n’était ? Pourquoi depuis la notification de la décision de sa sanction, aucune disposition n’a été prise par le bureau de l’assemblée pour que l’intéressé soit suspendu de toute activité et remis aux autorités françaises dans le cadre de coopération judiciaire entre la France et la RCA, et ce, afin qu’il puisse purger sa peine dans une prison en Guadeloupe ? Pourquoi continue – t – il de siéger au sein de cette auguste assemblée ? Quae cum ita sint, pourquoi avoir ordonné le non – versement du salaire de Yékatom qui n’est pas encore condamné ?
Voilà de pertinentes questions qui soulèvent sans fioritures et sans ambages le niveau de la faillite morale jamais atteint par des hommes et des femmes appelés à siéger dans notre assemblée et dont les missions consistent à défendre les valeurs de paix, de justice, d’égalité, de réconciliation nationale et de cohésion sociale, au regard des dispositions de la constitution et des lois et règlements de la République. Une véritable honte pour des élus de la nation qui se rendent par leur silence complices des actes de compromissions, de faux et usage de faux et en l’espèce de détournements de salaire d’un des leurs, par le bureau de l’assemblée nationale.
Aux groupes parlementaires Mouni auquel Yékatom a appartenu jusqu’à son arrestation et PCUD dont il est l’un des membres fondateurs de briser le silence et de dénoncer vigoureusement cet acte d’injustice avéré, à un moment où l’accord de paix de Khartoum vient d’être signé, où tous les regards sont tournés vers l’assemblée nationale pour son application ad literram et où tous les partenaires de la République centrafricaine appellent à plus de liberté, de justice et de respect des principes démocratiques !
Jean – Paul Naïba