Centrafrique : M. Touadéra, devrions-nous alors prêter davantage attention à l’allégation d’un coup d’État ? 

Les élites politiques de la RCA sont stupéfaites par les conditions dans lesquelles les élections devraient avoir lieu d’ici la fin de l’année. Il n’est pas surprenant que ce débat passionné ne se déroule pas de manière équitable. Les allégations de fraudes et de corruption sont accablantes et visent à la fois le gouvernement et l’opposition. Le président Touadéra a en effet tenté d’obtenir des amendements constitutionnels pour permettre une prolongation de son mandat et, après avoir échoué sur ce point, il a mobilisé ses partisans au Parlement pour éviter l’adoption d’une nouvelle loi sur l’Agence nationale des élections, afin de garder le contrôle sur la préparation des élections au niveau local. L’argent a changé de mains à de nombreuses reprises au cours de ce processus.
Mais les partisans de la présidence ont également été très généreux dans leurs allégations, parfois avec des apports russes ou plus étonnamment avec le soutien des services secrets français (DGSE) qui ont plus d’une fois envoyé à Paris des analyses qui ont été reçues avec plus d’un froncement de sourcils. En mai et juin, la grande nouvelle a été que François Bozizé, l’ancien président de la RCA (2003-2013) et Karim Meckassoua (ancien ministre et président du Parlement entre 2016 et 2018) préparaient un coup d’État qui aurait également impliqué le général Ludovic Ngaïfé, qui de 2016 à 2018 était chef d’état-major des FACA (Forces Armées Centrafricaines). Comme toujours, ce qui est intéressant dans le succès soudain d’une rumeur, c’est de savoir pourquoi et quand elle a été répandue pour polariser le débat public. Ce qui a contribué à ce succès, c’est aussi le fait que Denis Sassou Nguesso, contacté par Touadéra, a invité Meckassoua et Bozizé dans son village d’Oyo pour obtenir des éclaircissements.
D’une part, les trois prétendus comploteurs occupent des positions très différentes dans l’arène politique de la RCA mais sont sans doute des adversaires du président en exercice. Meckassoua a été démis de ses fonctions de président par une campagne concertée menée par des Russes et des partisans de Touadera dans les couloirs du bâtiment du Parlement, car il était considéré comme la main de la France, ce qui est discutable, surtout que la DGSE française avait déjà évoqué un projet de coup d’État à la fin du printemps 2017 (lié à cette allégation, 3 Tchadiens ont été arrêtés et sont toujours en prison et n’ont jamais été traduits en justice). Au moins, cela illustrerait la division de la France sur la RCA ou le peu d’intérêt de Paris pour l’application d’une politique à l’égard de Bangui. Pourtant, Meckassoua est un opérateur politique compétent et bien connecté en Afrique centrale et il est certainement assez intelligent pour défaire certaines des politiques de Touadéra. C’est pourquoi les partisans de Touadéra essaient toujours de le lier aux factions Séléka (qui l’ont combattu) et de mettre en avant son identité musulmane pour le faire apparaître comme un étranger.
François Bozizé est rentré à Bangui en décembre 2019. Deux fois fin mars et début avril 2020, des opérations militaires et policières ont eu lieu près de sa maison à Bangui et de nombreux observateurs pensent qu’elles ont été entreprises pour créer un incident qui aurait obligé la MINUSCA à intervenir et à arrêter l’ancien président. Le séjour de Bozizé en RCA crée en effet un gros problème à Touadéra malgré l’argent que ce dernier peut dépenser pour garder les cœurs et les esprits : l’ancien parti présidentiel (KNK) a fourni la plupart des cadres de son propre Mouvement des Coeurs Unis et des chefs des milices anti-Balaka qui, en dehors de Bangui, ont fait en sorte qu’il gagne les élections en 2016. Ce soutien enthousiaste ne se reproduira plus et Touadéra rêve de pousser Bozizé hors du pays pour reprendre le contrôle du KNK.
Bien que début mai 2020, le général Ngaifei ait écrit une note sur Facebook qui préconise la mise en place d’un conseil militaire pour débarrasser le pays de toutes les milices avant la tenue des élections, il n’est pas le plus probable des putschistes parmi les militaires centrafricains. Bien qu’il soit issu du même groupe ethnique, les Mbaya, et qu’il soit un proche de François Bozizé, Ngaifei n’a pas cultivé de relations chaleureuses avec Bozizé ces dernières années et a refusé d’agir en tant que leader anti-balaka en 2013. De plus, comme il a suivi l’École française de guerre à Paris et de nombreuses autres formations moins prestigieuses, il est bien formé mais très loin des troupes qu’il était censé commander : c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il a été démis de ses fonctions en 2018. Il lui serait très difficile d’obtenir un soutien militaire pour une aventure dans une capitale avec la MINUSCA et les mercenaires russes (et même les troupes françaises) sont chargés de défendre le Président à tout prix.
Il faut aussi s’interroger sur la partie accusatrice. De nombreux aspects doivent être pris en compte. Tout d’abord, comme l’ont exprimé à maintes reprises les médias centrafricains, l’accord de Khartoum n’est pas appliqué correctement par de nombreux groupes armés et, curieusement, le président, malgré les recommandations de ses partenaires internationaux, n’a pas réussi à faire appliquer les sanctions contre certaines milices, dont les dirigeants lui semblent encore très proches. Bien qu’une Garde présidentielle n’ait jamais été mentionnée dans aucune réforme du secteur de la sécurité en RCA, cette unité s’est développée et des recrutements ont encore lieu, alors que pour les FACA tout est gelé. Cette unité s’est agrandie pour atteindre quelques centaines, plus de 400 en tout cas. Ses troupes ont des voitures, des armes et du matériel lourd dont même les experts de l’ONU ignorent l’origine (russe ?). Leur mandat semble de plus en plus large et ils ont mis en place de nombreux points de contrôle où les voitures et les camions sont (illégalement) taxés. De nombreux observateurs se demandent à quel point l’existence d’une telle unité nuit à la mise en œuvre d’une réforme du secteur de la sécurité qui peine déjà à donner des résultats convaincants.
Devrions-nous alors prêter davantage attention à l’allégation d’un coup d’État ?
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Extrait du rapport des experts de l’Onu sur la République centrafricaine
Lu Pour Vous
La rédaction

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