Centrafrique : Invité pour les JO, le ministre des sports Héritier Doneng Wanzoumon est visé en France par une plainte pour « menace de mort »

 

Centrafrique : Invité pour les JO, le ministre des sports est visé en France par une plainte pour « menace de mort »

Attendu en France pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, Rodolphe Héritier Doneng y est accusé, dans une plainte transmise à la mi-juillet, de diriger une milice proche du camp présidentiel. Celle-ci est soupçonnée de menaces de mort et d’une tentative d’assassinat sur le sol français.

Publié le 24/07/2024

À la veille du lancement des Jeux olympiques de Paris 2024, la venue dans la capitale française de la délégation politique centrafricaine, menée par des artisans du rapprochement avec la Russie et Wagner, risque d’être rattrapée par des accusations de crimes contre des opposants, intellectuels et militants des droits de l’homme. Plusieurs voix dissidentes et critiques du pouvoir de Faustin-Archange Touadéra s’inquiètent d’une dégradation de leurs conditions sécuritaires. Elles font état d’une hausse des disparitions, mais aussi de menaces d’assassinat émanant des réseaux du parti présidentiel du Mouvement des cœurs unis (MCU), en Centrafrique et en France.

Selon les informations d’Africa Intelligence, le ministre des sports, Rodolphe Héritier Doneng, qui est attendu à Paris cette semaine sur invitation du Comité international olympique (CIO, AI du 04/07/24), est nommément visé par une plainte déposée mi-juillet pour « menace de mort réitérée » et une présumée tentative d’assassinat en France. Ce membre du gouvernement est également pointé du doigt pour des crimes attribués à la milice des Requins. Bien qu’officiellement dissoute, cette nébuleuse armée progouvernementale, manœuvrée par Rodolphe Héritier Doneng, est suspectée de continuer dans l’ombre ses opérations, y compris dans les cercles d’exilés en France.

Liste d' »ennemis de la paix »

La plainte, déposée par Jean-François Akandji-Kombé, professeur franco-centrafricain de droit à l’Université Paris-I Panthéon Sorbonne, a été prise au sérieux par les services de police judiciaire français. Ces derniers l’ont transmise au procureur de la République de Paris dans la nuit du 19 au 20 juillet. Le ministre centrafricain des sports y est accusé de toujours contrôler les Requins et de profiter de son séjour en France pour « redynamiser » cette organisation en vue d’y renforcer ses ramifications, de même que ses capacités d’actions ciblées. Interrogé à ce sujet par Africa Intelligence, Rodolphe Héritier Doneng dément formellement ce projet et nie toute « persécution d’opposants ».

Autre personnalité centrafricaine visée par la plainte : Blaise Didacien Kossimatchi, figure du MCU et chef de la « plateforme » Galaxie nationale. Tombée en désuétude depuis la progressive reprise des relations entre Paris et Bangui, cette organisation agissait comme un groupuscule urbain proche de Wagner et au service du président Touadéra, faisant la liste d’opposants à intimider, torturer ou éliminer.

Parmi les « ennemis de la paix » ainsi recensés, et dont les noms étaient régulièrement diffusés sur les réseaux sociaux, figurait Jean-François Akandji-Kombé. Ce dernier, qui était le conseiller juridique de Karim Meckassoua lorsque celui-ci présidait l’Assemblée nationale (mai 2016-octobre 2018), dirige également le mouvement Citoyens debout et solidaires et le Conseil de résistance et de transition (CRT).

Les éléments déclencheurs, a affirmé Jean-François Akandji-Kombé à la police française, ont été : une manifestation devant l’ambassade de Russie à Paris en juin 2019, dénonçant les exactions perpétrées par l’organisation paramilitaire russe ; puis des recours introduits auprès de la Cour constitutionnelle centrafricaine contre l’adoption de la cryptomonnaie Sango Coin en 2022 (AI du 07/02/23) et le changement de Constitution, l’année suivante.

« Opérations de sécurité extrajudiciaires »

Éphémère mouvement de jeunesse du MCU jusqu’à sa dissolution officielle en 2019, le groupe des Requins est suspecté de s’être mué en une organisation semi-clandestine étroitement liée au Groupement de sécurité de la présidence de la République (GSPR), nom de la garde présidentielle. Lors des élections générales de 2020, ils ont opéré au grand jour, distillant leurs menaces, affichant les portraits de leurs cibles dans les rues et sur les réseaux sociaux. Plutôt bien armés et intégrant dans leurs rangs certains membres de la garde présidentielle, ces nervis du pouvoir ayant démarré sur Internet (en lien étroit avec le bureau d’information et de communication du chef de l’État, coordonné par Wagner) patrouillaient dans Bangui le visage encagoulé et menaient des opérations coup de poing en toute impunité. Le MCU a plusieurs fois tenu à démentir ses liens avec cette milice, qualifiée de « force de l’ombre [chargée] d’opérations de sécurité extrajudiciaires » par les experts des Nations unies dans un rapport publié en juin 2021.

À partir de 2022, les Requins sont accusés d’avoir notamment agi sous couvert du Front républicain, dirigé par l’actuel ministre des sports. « Il n’y a pas d’organisation secrète des Requins, une dénomination utilisée par ceux qui veulent se victimiser et justifier leur échec politique », affirme Rodolphe Héritier Doneng. Sous l’influence de ce dernier, d’abord directeur de cabinet du ministre des sports Aristide Briand Reboas à partir de 2021, puis ministre à compter de janvier 2024, les instances sportives sont toutefois peu à peu tombées dans le giron des Requins et de la garde présidentielle. L’ancien commandant du GSPR, le général Alfred Service, dirige ainsi le Comité national olympique centrafricain depuis 2022 (AI du 10/06/22).

Immunité diplomatique

La milice reste crainte par les opposants à Bangui. Et sa capacité d’action en France préoccupe. Dans sa plainte, Jean-François Akandji-Kombé dit s’inquiéter pour sa sécurité et redoute que la venue de Rodolphe Héritier Doneng, qui bénéficie d’une immunité diplomatique pour ce séjour, intensifie les actions violentes des Requins.

Le plaignant a transmis aux autorités françaises les preuves de plusieurs menaces de mort et a détaillé un projet d’assassinat par empoisonnement planifié, selon lui, lors des obsèques de l’archevêque de Bangui, Joachim Ndayen, décédé à Paris en juin 2023 et dont il était proche. Le professeur de droit et critique du pouvoir pointe, là encore, les Requins. Dans le procès-verbal, il cite le nom d’un militaire du dispositif de sécurité présidentiel qui aurait été dépêché dans la capitale française pour cette mission. La brève apparition de cet homme à la cérémonie funéraire avait suscité l’étonnement et l’inquiétude.

AI

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